Il y a quelques décennies, un candidat à une assurance-vie se voyait proposer d’adhérer préalablement à une association, elle-même souscriptrice d’un contrat avec une compagnie d’assurance. Ce montage présentait un intérêt certain car les contrats associatifs étaient alors dispensés d’une taxe qui, supprimée, n’a pas du tout supprimé l’intérêt de souscrire au travers d’une association. Explications.

 

Rappelons qu’au siècle dernier l’assurance-vie n’avait pas très bonne réputation.
C’était même parfois le domaine de la jungle. À preuve, une publicité de La Mondiale qui, pour bien se démarquer de ses concurrents, n’avait pas hésité à prendre comme symbole la fameuse bouche de la vérité qui, selon la tradition romaine, dévorait la main de ceux qui ne disent pas la vérité.

Des vendeurs agressifs et beaux parleurs faisaient du porte à porte musclé proposant des contrats peu clairs et à la rentabilité faible.

C’était l’époque où se pratiquait l’usage des « frais précomptés » qui consistait à prélever
en une seule fois et d’avance tous les frais annuels : ainsi, un client qui avait déboursé
100 000 francs ne voyait placés que 85 000 francs et devait attendre quelques années avant de récupérer sa mise initiale. Il est vrai qu’au début des années 70 et des années 80, les taux servis autour de 10 % se chargeaient de rembourser rapidement les frais prélevés ; c’était l’époque où un placement à 7 % doublait en dix ans.

Un coup d’éclat, la naissance de l’AFER

L’Afer qui fête ses 50 ans peut être fière de ses succès ; c’est en 1976 qu’elle fut créée par Gérard Athias et André Le Saux qui révolutionnèrent le petit monde feutré de l’assurance-vie, quelque peu endormi dans ses habitudes. L’idée-force de ses fondateurs était tout simplement de proposer un contrat à versement et retrait libres, au grand dam des compagnies établies et des CGP, dérangés dans leurs habitudes. Les fondateurs n’ont pas été épargnés par l’establishment et eurent à subir de nombreuses critiques. Ils ont même payé très cher le fait de s’être enrichis en même temps qu’ils ont enrichi des milliers d’adhérents.

Et si l’Afer a fait des jaloux, elle a fait aussi des émules ; ainsi le Gaipare, créé par Pierre Grün, rapidement remplacé par François Perrin-Pelletier à la suite de quelques fantaisies financières de son fondateur, s’est vite fait un nom dans le domaine de la défense de l’épargnant face aux pouvoirs publics et aux compagnies d’assurance.

 

Le défi de l’indépendance

Il faut en effet distinguer les associations vraiment indépendantes et les associations
« bidon », faux-nez des compagnies. Car même si la taxe sur les assurances avait été supprimée, les banques voyaient un gros avantage à créer leur propre association maison : sur le plan administratif, elles ne négociaient qu’avec un seul interlocuteur : l’association souscriptrice du contrat.

Les critères d’une association indépendante sont simples : d’abord un conseil composé de personnalités indépendantes et non susceptibles de conflit d’intérêt pour négocier au mieux les intérêts des adhérents face à la compagnie.

Le cantonnement du fonds euros, empêchant toute manipulation entre différents contrats, est aussi un critère important.

Encore convient-il de relativiser cette notion d’indépendance car une fois le contrat souscrit, l’association devient automatiquement dépendante de la compagnie ne serait-ce que pour le service après-vente. En fait, ce que l’on peut exiger d’une association, c’est d’abord une indépendance d’esprit.

Autre cas de figure lorsque la compagnie d’assurance est rachetée par un autre assureur. Ainsi le Gaipare s’est-il retrouvé, sans avoir son mot à dire, avec Allianz à la suite du rachat des AGF. Quant à l’Afer, elle s’est retrouvée avec Aéma, certainement plus proche de ses valeurs mutualistes que ne l’était Aviva.

Et face aux pouvoirs publics qui de tout temps cherchent à rogner les avantages fiscaux de l’assurance-vie, les vraies associations soucieuses de la défense de leurs adhérents se sont mobilisées. Ainsi Gérard Bekerman, fort de ses excellentes relations avec Bruno Le Maire ou la Faider au nom des associations qu’elle regroupe.

Auparavant François Perrin-Pelletier, toujours sur la brèche, était à l’affût du moindre coup de canif porté à l’assurance-vie et montait au créneau, alertant la presse, les députés et les pouvoirs publics.

Il a été également l’initiateur des États généraux de l’Épargne et fondateur de la Faider (Fédération des associations indépendantes en vue de la Retraite, qui regroupe onze associations totalisant plus d’un million d’épargnants avec un encours de 46 milliards à
rapprocher des 54 milliards pour les 753 000 adhérents de la seule Afer).

Le match impitoyable des fonds euros

Pendant des années, les performances du fonds euros ont fait l’objet d’un véritable championnat de France du rendement. En janvier, les meilleurs fonds, ceux des associations, claironnaient lors de conférences de presse très attendues leurs brillants résultats alors que les moins bons, ceux des banques à réseau notamment, se faisaient beaucoup plus discrets.

Il faut rappeler qu’en 1983, l’Afer offrait du 16,88 % à comparer à une inflation à 9,6 % ce qui laisse une marge bien enviable. Curieusement les fonds euros de l’Afer et celui du Gaipare enregistrent sur vingt ans des performances presque identiques 3,66 % et 3,68 %, mais ils sont précédés par l’Asac-Fapès avec 3,76 %.

À la même époque, les banques offraient des Sicav monétaires avec des profils prudent, équilibré ou agressif qui mixaient dans des proportions variables obligations et actions dans le but de doper le rendement. C’était oublier que la Bourse peut connaître de fortes chutes et certaines de ses Sicav agressives ont connu des suspensions de cotations et autres défaillances.

Outre la défense des épargnants, les associations d’assurés présentent un avantage marqué, le rendement de leurs fonds euros. Ainsi, en 2020, le rendement moyen des fonds euros des associations composant la Faider est-il de 1,56 % contre 1,08 % pour l’ensemble des contrats.

Plus généralement, à l’inéluctable baisse du rendement des fonds euros s’ajoute une nouvelle difficulté créée par l’arrivée de nouveaux épargnants qui diluent le gâteau existant, ce qui explique la résistance des compagnies qui conditionnent la souscription de fonds euros à une certaine proportion d’unités de compte, les UC, et ce grâce à l’amendement Fourgous.

 

Enfin Fourgous vint

En 2005 déjà, et face à l’inexorable baisse de rendement des fonds euros, un député,
Jean-Michel Fourgous, impressionné par les arguments de quelques associations, proposait un amendement qui porte son nom et qui a même donné le verbe « fourgousser ».

L’idée est simple : autoriser les contrats euros à s’adjoindre des actions, plus exactement des unités de compte. Un autre argument était mis en valeur, à savoir que, sur une longue période, le placement en action était le plus rentable.

Ces contrats fourgoussés permettaient ainsi de transformer un contrat monosupport en multisupport tout en bénéficiant de l’antériorité fiscale ; ils connurent un vif succès, sauf qu’un nouveau krach s’abattait sur la Bourse quelque temps plus tard, rappelant aux imprudents qu’il n’est pas très judicieux d’investir en Bourse en haut de cycle, si tant est que l’on connaisse le point haut.

En outre, les avantages d’une association ne s’arrêtent pas là. Les vraies associations ont une réelle vie associative : bulletin de liaison, site Internet, réunions régulières dans toute la France, assemblée générale, etc.

Avec les moyens dont elle dispose, l’Afer est évidemment un modèle du genre, comme par exemple, ses shows faisant le plein au Théâtre Mogador avec des personnalités économiques et politiques.

Enfin, s’il fallait une autre raison de souscrire une assurance-vie par le biais d’une association, la récente loi Pacte en apporte une : elle exige que tous les nouveaux PER (Plan Épargne Retraite) soient obligatoirement souscrits par le biais d’une association,
ce qui prouve que les pouvoirs publics ont bien compris leur nécessité.

Il reste à souhaiter longue vie à toutes ces associations en formulant le vœu qu’elles continuent leur combat pour la défense de l’assurance-vie en général et plus particulièrement des assurés sur la vie.