Les marchés financiers ont terminé l’année 2024 positivement, mais en ordre dispersé. Les grandes actions américaines ont affiché une forte domination par rapport aux actions européennes, japonaises ou émergentes. Les actions françaises se sont repliées. Les produits de taux ont connu
une bonne évolution. Ces tendances vont-elles se poursuivre dans l’environnement contrasté que nous réserve 2025 ? Patrimoine Privé vous dévoile les stratégies d’investissement de grands professionnels de la place de Paris.
Si le contexte économique actuel paraît relativement stable et favorable aux marchés financiers, il peut être aisément perturbé par de nombreux écueils, en particulier avec Donald Trump.
L’investiture du 47ème président américain le 20 janvier n’a pas manqué de focaliser l’attention des acteurs économiques.
Mais au-delà des annonces et des promesses de campagne quelles seront les mesures réellement prises ?
Les incertitudes entourent également la géopolitique, notamment en Ukraine et au
Moyen-Orient, en plus des enjeux économiques européens avec les élections en Allemagne et la stabilité politique en France.
Face à ces risques structurels ou temporaires, de bonnes surprises peuvent néanmoins émerger.
Cette alternance d’incertitudes et de bonnes nouvelles ne manquera pas de générer
de la volatilité. Le scénario de base pour l’année 2025 reste toutefois positif :
croissance modérée, légère désinflation, politique américaine a priori pragmatique,
rebond en Allemagne et en Europe, voire en Chine.
Le découplage macroéconomiques US-UE
a perduré en 2024
Mais avant de se projeter pleinement sur 2025, dresser le bilan de l’année écoulée s’impose. 2024 a en effet été marquée par plusieurs événements macroéconomiques d’ampleur.
Aux États-Unis, la victoire de Donald Trump à la suite d’une campagne présidentielle très disputée a ravivé les incertitudes économiques.
Fidèle à son programme, le nouveau président a annoncé sa volonté de mettre en place une hausse des droits de douane pour rééquilibrer le commerce mondial, une dérégulation accrue et une politique fiscale accommodante, malgré un déficit fédéral élevé.
Sur le plan économique, la croissance a été étonnamment robuste, avoisinant les 3 %
en moyenne sur l’année, et ce, malgré une politique monétaire restrictive.
Cependant, les signaux mitigés du marché du travail ont conduit la Réserve fédérale
à entamer un cycle de baisse des taux dès septembre, marquant un pivot dans sa politique monétaire.
En zone euro, la croissance est restée globalement faible, avec une activité freinée par des prix de l’énergie élevés et un secteur industriel sous pression.
L’Espagne s’est distinguée avec une croissance de 1,6 %, contrastant avec le 0,3 % enregistré par le bloc franco-allemand.
En France, le déficit budgétaire a atteint environ 6 % du PIB, alimenté par des dépenses publiques élevées et une instabilité politique caractérisée par des élections législatives anticipées et plusieurs remaniements ministériels.
Dans ce contexte, la BCE prévoit un retour à des taux neutres en 2025.
Toutefois, un assouplissement monétaire plus prononcé pourrait être envisagé si la faiblesse économique de la région venait à s’intensifier.
Un retour sur les actions européennes s’impose
Malgré cette croissance européenne modérée, les valeurs du Vieux Continent ont le vent en poupe.
Depuis l’élection de Trump, leur surperformance atteint 7 % ! Se pose dès lors la question de savoir si cette dynamique, nouvelle, est durable.
Pour les experts des marchés, la bonne tenue des bourses européennes passera inévitablement par une amélioration de la conjoncture de ce côté de l’Atlantique.
Pour l’instant, la dynamique reste contrastée, entre un secteur manufacturier toujours en nette contraction et celui des services plutôt résilient.
« Le policy mix européen devra être plus ambitieux. Sur le front monétaire, la Banque centrale européenne doit abaisser nettement son taux de dépôt sous le niveau de l’inflation ; sur le front budgétaire, les pays disposant de marges de manœuvre conséquentes doivent les déployer sans attendre » estime Olivier Raingeard, directeur des investissements chez Neuflize OBC.
Une stabilisation de l’économie chinoise est également souhaitée.
« Les mesures prises par les autorités chinoises, en septembre dernier, pour éviter
le développement d’une spirale déflationniste semblent fonctionner » ajoute l’expert,
tout en précisant : « Ces 3 premières conditions soutiendraient la croissance des bénéfices des entreprises, attendue en hausse de plus de 7 % en 2025.
Cette nouvelle dynamique inciterait à reconsidérer les différences de valorisation entre les marchés européens et américains, au demeurant partiellement biaisées.
Il en résulterait probablement une surperformance tactique – pendant quelques mois, voire quelques trimestres – de l’Europe ».
L’Europe dispose de leaders mondiaux
Ces catalyseurs potentiels pourraient permettre aux actions européennes de progresser en 2025 et de connaître une fin heureuse.
Or l’Europe ne manque pas d’atouts et n’a pas à rougir dans de nombreux secteurs face aux États-Unis.
« Alors que le marché actions européen est peu sensible au phénomène de l’IA, certains secteurs présentent un avantage concurrentiel mondial : le leadership dans l’industrie aérospatiale civile, les produits de luxe haut de gamme, la transition dans le domaine des ressources et la propriété intellectuelle dans l’industrie pharmaceutique » explique Mathias Büeler, responsable de l’équipe Actions européennes durables chez Robeco.
Il est par ailleurs possible d’investir sur des valeurs européennes à des prix raisonnables.
« ASML, L’Oréal, LVMH, Roche, Novo Nordisk et Nestlé, ne montrent aucun signe de valorisation excessive, contrairement aux actions de qualité américaines.
En outre, la capacité bénéficiaire des entreprises européennes ne dépend pas du tout de l’Europe, avant tout en raison de la forte mondialisation de leurs revenus » précise l’expert.
Dans ce contexte, nombre de professionnels appellent à réduire le poids des actions américaines, qui étaient globalement surpondérées jusqu’à présent, au bénéfice des actions
européennes placées à « Neutre » dans leurs portefeuilles.
Il faut pour cela espérer un accord équilibré entre l’Union européenne et les États-Unis
pour éviter une guerre commerciale. Sans oublier une réduction de l’incertitude politique européenne, très élevée depuis 2016, reposant sur la diminution de l’instabilité politique
en France et en Allemagne et un cessez-le feu entre l’Ukraine et la Russie.
Dans tous les cas, la majorité des gérants demeurent à surpondérer sur les actions, considérant qu’une croissance mondiale modérée, dans un contexte d’inflation stabilisée
et d’assouplissements monétaires de la part des Banques centrales, reste favorable à cette classe d’actifs.
Une diversification de rigueur
Actions américaines, européennes, valeurs émergentes… la nécessité est de panacher son portefeuille.
Se cantonner aux seules valeurs américaines serait même contreproductif.
De fait, « les valorisations actuelles des marchés américains atteignent des niveaux élevés, le S&P 500 affichant un ratio cours/bénéfices (PER) de 22x, bien au-dessus de sa médiane sur 20 ans de 16x.
Cette prime s’accompagne d’une concentration marquée : seuls 31 % des titres de l’indice ont surperformé en 2024, rappelant la bulle Internet de 1999-2000 » expliquent les experts de DNCA, tout en avertissant : « Les méga-capitalisations dominent les performances,
mais près de 40 % de leur capitalisation sont sous enquête antitrust, ce qui ajoute aux risques ».
Les perspectives restent ainsi limitées, Goldman Sachs prévoyant un rendement annuel moyen de 3 % en nominal sur 10 ans (1 % en réel).
Ce contexte appelle à une diversification stratégique, articulée autour de trois axes majeurs.
« Tout d’abord, la diversification par la taille offre des opportunités dans le segment des petites et moyennes capitalisations (Smid). Ce segment est plus sensible à la baisse des taux, avec 49 % des entreprises du Russell 2000 ayant des dettes à taux variable, contre seulement 9 % dans le S&P 500. De plus, une reprise des fusions-acquisitions est attendue et devrait favoriser les entreprises de taille moyenne. Morgan Stanley anticipe une hausse de 50 % des transactions en 2025 grâce à l’atterrissage en douceur de l’économie et à la pression des fonds de capital-investissement » détaillent les experts de DNCA.
Panacher les styles de gestion
La diversification ne doit pas se limiter à la taille des entreprises.
En particulier, la diversification par le style de gestion peut s’avérer intéressante, notamment en se tournant vers le style value.
Ce dernier bénéficie d’une valorisation relative attractive, inférieure à la moyenne de long terme aux États-Unis (un écart-type sous la moyenne) et encore plus en Europe (1,5 écart-type).
« Le style value est également soutenu par sa corrélation avec les anticipations d’inflation, qui ont progressé de 50 points de base au T4 2024, et par la résilience d’industries locales, moins exposées aux tensions commerciales » selon DNCA.
Enfin, une diversification géographique peut équilibrer les portefeuilles.
Alors que les États-Unis représentent une allocation record pour de nombreux investisseurs, la zone euro reste sous-pondérée malgré des valorisations plus attractives. Toute amélioration des perspectives géopolitiques, comme un cessez-le-feu en Ukraine,
ou budgétaires, notamment en Allemagne après les élections anticipées, pourrait inverser les flux de capitaux et dynamiser les marchés européens.
Ainsi, bien que les valorisations élevées des marchés américains limitent le potentiel de gains, une stratégie de diversification ciblée par la taille, le style et la géographie permet d’ouvrir des opportunités intéressantes tout en renforçant la résilience des porte-feuilles dans un environnement 2025 qui s’annonce surtout incertain.
Mettre une dose de private equity dans son portefeuille
Dans un contexte de ralentissement économique modéré, il semble important d’adopter une stratégie de diversification adaptée à ses objectifs, non seulement en actions mais également en obligations et actifs non cotés.
« Que ce soit pour saisir les opportunités liées à la croissance des marchés émergents,
aux rendements attractifs potentiels des obligations ou à la stabilité potentielle des SCPI,
un portefeuille doit refléter une stratégie équilibrée et en adéquation avec le profil investisseur » estiment les professionnels de Milleis Banque Privée.
Le private equity offre en particulier des atouts en matière de décorrélation des marchés actions. Après quelques années passées sous le radar, il semble raisonnable d’envisager des opportunités dans ce domaine.
« Non seulement certaines sociétés en portefeuille ont récemment bénéficié d’une réduction de capital, ce qui offre un point d’entrée intéressant. De plus, si l’administration américaine pousse le secteur de l’IA, cela devrait contribuer à dynamiser le secteur. Les fonds secondaires et les solutions de liquidité continueront à se développer afin d’offrir des alternatives aux investisseurs » estime Nicolas Roth, Head of Private Markets Advisory chez UBP Private Markets.
Le private equity se décline aussi sur des actifs immobiliers.
Or les perspectives sont encourageantes.
Les investisseurs immobiliers sont plus confiants pour les années à venir, le choc des taux d’intérêt ayant été absorbé par le marché.
« Les secteurs de niche tels que la logistique et l’hôtellerie en Europe du Sud sont des exemples convaincants. Bien que l’avenir reste incertain pour les bureaux, la conversion d’espaces de bureaux en actifs résidentiels dans certains sous-marchés spécifiques pourrait permettre aux investisseurs de s’exposer à l’immobilier résidentiel et aux propriétaires de bureaux de créer de la valeur à partir de propriétés sous-performantes » détaille Nicolas Roth.
Bien sûr, la prudence devra également primer.
Il existe de nombreux risques pesant sur l’activité mondiale.
La croissance américaine pourrait fortement ralentir.
L’inflation pourrait repartir à la hausse, la guerre commerciale entre les États-Unis
et d’autres pays s’intensifier…
Cependant, un grand nombre de ces mauvaises nouvelles sont déjà intégrées dans les cours. Les marchés financiers disposent d’atouts pour bien se comporter en cette année 2025.