La gestion d’un patrimoine n’est pas toujours un long fleuve tranquille. Il existe une multitude d’aléas, plus ou moins maîtrisables, à affronter pour éviter de perdre tout ou partie de ses économies. Découvrez, avec patrimoine privé, quels sont ces risques et les stratégies à mettre en œuvre pour y faire face.
Depuis la dissolution surprise de l’Assemblée nationale le 9 juin, le risque politique a fait son grand retour sur les marchés financiers.
Éclipsant temporairement les tensions géopolitiques au Moyen-Orient, un éventuel rebond de l’inflation ou l’éclatement de la bulle technologique, les résultats des élections législatives françaises ont alimenté l’incertitude avec son corollaire, une forte volatilité boursière.
Mais la France n’est pas l’alpha et l’oméga des investisseurs internationaux.
Début août, la bourse de Tokyo s’est effondrée, perdant 12 % en une séance.
Par effet domino, les bourses mondiales ont dévissé, subissant le changement de politique monétaire au Japon mais également la brusque remontée des craintes de récession aux États-Unis et les ventes massives d’actions Apple par Warren Buffett.
Ces inquiétudes estivales dissipées, les marchés actions ont retrouvé leur appétit pour le risque. Mais l’instabilité politique française pourrait bien à nouveau perturber cette bonne marche, avec une France – poids lourd de l’Union européenne – sous la surveillance des agences de notations.
La dissolution secoue les marchés financiers
Début juin, la dissolution de l’Assemblée voulue par Emmanuel Macron s’est immédiatement avérée un pari raté.
Les marchés ont réagi avec force, sanctionnant dans un premier temps la percée du RN puis la mise en place rapide d’un bloc à gauche et d’un programme coûteux, avec à la clé une Assemblée ingouvernable dans un paysage politique fracturé.
Sur les marchés de taux, le spread OAT-Bund est revenu sur ses points hauts de l’entre-deux-tours des présidentielles de 2017, proche des 80 points de base.
De même, malgré un écart de qualité de signature, le rendement à 10 ans français a flirté avec celui de l’Espagne et du Portugal.
Les « spreads de crédit », soit l’écart de rendements attendus envers les dettes d’entreprises, n’ont pas été épargnés, notamment pour les entreprises les plus exposées à la France et à l’Italie, avec la large progression de l’indice iTraxx Crossover, panier de couvertures de défauts, qui s’est envolé de 42 points de base sur la semaine suivant la dissolution pour s’établir à 337.
Les marchés actions n’ont pas été épargnés Le CAC 40 a abandonné au global 6,4 % sur le mois de juin, effaçant tous ses gains de l’année.
Ce que disent les expériences étrangères
Au-delà des réactions à chaud, les expériences étrangères montrent que l’impact d’élections majeures peut engendrer des réponses variées de la part des marchés financiers.
En Inde, la réélection pour un 3ème mandat de Narendra Modi était largement anticipée. Pour autant, la réduction de sa majorité au Congrès limitera sa capacité à modifier
la constitution et à accentuer la pression sur les minorités religieuses.
Sa victoire, moins large qu’anticipé, a tout d’abord fait reculer de 6 % les indices actions pour un impact final très faible. Les actions indiennes progressent pourtant en 2024 de 11,60 %.
Au Mexique, l’élection plutôt inattendue de Claudia Sheinbaum, la candidate de gauche, comme première présidente du pays a été moins bien accueillie par les marchés.
L’indice actions a perdu plus de 7 % en devises locales après l’élection de début juin et n’a toujours pas redressé la barre.
L’affaiblissement de la devise accentue par ailleurs les pertes pour un investisseur étranger, entraînant une diminution de près de 15 % du MSCI Mexico en USD.
Des incertitudes franco-françaises
Sur le Vieux Continent, les élections françaises n’ont à ce jour pas remis en question l’équilibre des forces au Parlement européen.
Ursula von der Leyen a été réélue à la tête de la Commission européenne.
L’impact de la dissolution décidée par Emmanuel Macron demeure une préoccupation largement franco-française.
L’EuroStoxx50 a ainsi fini le mois de juin sur un repli de seulement 1,8 % contre pratiquement 7 % pour la bourse de Paris.
Le S&P 500 a pour sa part profité d’un effet d’arbitrage naturel et a progressé de 3,4 %.
La semaine du 17 juin, les fonds technologiques américains ont eux enregistré un afflux record de 9 milliards de dollars.
Pour les épargnants français, une vigilance particulière sera à observer concernant la composition du futur gouvernement et les grandes orientations de sa politique économique du pays dans les mois à venir.
Les institutions financières internationales, comme le FMI et les agences de notation telles que Standard & Poor’s, pourraient émettre des avertissements sérieux, augmentant la pression sur l’économie française…
Les marchés financiers anticipent une période de troubles pour la France.
À ce jour, le scénario privilégié est l’absence de majorité à l’Assemblée nationale, avec à la clé la difficulté de définir un nouveau budget attendu pour le 1er novembre et une nouvelle dissolution possible dans un an…
Enfin, le président a un grand nombre de moyens pour entraver l’action du gouvernement tels que le refus de référendum, de décrets, de session extraordinaire…
Incertitude implique diversification
Cette transition vers une nouvelle phase économique nécessite une allocation d’actifs résistant à différents scénarios, qui permet à la fois de saisir les opportunités qu’offrent la dynamique favorable des bénéfices et l’attractivité des rendements obligataires, mais aussi de parer à l’incertitude élevée concernant la croissance, l’inflation et les risques géopolitiques.
Pour les investisseurs, cela implique de favoriser raisonnablement les marchés actions,
de se positionner avec une duration longue et d’aller chercher des sources de diversification supplémentaires.
Ils doivent également évaluer les risques géopolitiques.
Dans cet environnement incertain, la recherche de diversification reste donc la thématique prépondérante.
Les actions gardent la cote, tout en agissant avec une grande sélectivité.
De l’avis général des gérants, le contexte économique soutient les bénéfices des entreprises et les classes d’actifs risqués, mais les prix intègrent déjà l’essentiel du potentiel de hausse et les catalyseurs de gains supplémentaires sont peu évidents.
Malgré la dissolution, il n’est pas question de solder son portefeuille de valeurs françaises.
Mais pour les gérants, une diversification englobant les valeurs européennes est de mise.
L’impact de la dissolution à moyen terme sur les actions européennes se situera en-dessous des craintes émotionnelles précédant le premier tour des législatives.
Par ailleurs, les sociétés européennes présentent un intérêt à moyen terme en raison d’une valorisation relative qui apparaît plus attractive que celle de leurs homologues américains, même si l’Europe ne bénéficiera probablement pas d’une croissance économique et d’un
dynamisme politique très forts.
Ceci est encore plus vrai pour les petites entreprises dont l’écart de valorisation par rapport aux grandes s’est creusé depuis trois ans.
De plus, la Banque centrale européenne vient d’enclencher en juin le début d’un lent cycle de baisse des taux qui devrait favoriser les petites valeurs européennes.
« En ce qui concerne les secteurs, notre position est équilibrée entre les valeurs défensives et les valeurs cycliques situées au bas de fourchette. Nous sommes plus positifs sur les valeurs financières et industrielles, les services de communication et la santé » précisent les analystes d’Amundi.
Les américaines de « qualité » toujours dignes d’intérêt
Les avis des gérants sur les valeurs américaines sont plus partagés.
Pour une partie d’entre eux, la prudence doit prévaloir.
« Les valorisations en absolu et en relatif apparaissent élevées par rapport au niveau
des taux d’intérêt, malgré la capacité d’innovation permanente des sociétés et un environnement économique plus favorables qu’en zone euro » avancent les experts
de Mandarine Gestion.
Il convient, dans tous les cas, d’éviter le risque de concentration en privilégiant la qualité
et en étant attentif aux niveaux de valorisation.
À ce titre, « les opportunités sont nombreuses dans les actions américaines de qualité
et value » indiquent les experts d’Amundi.
En un mot, la techno américaine reste attractive. « Les 7 Magnifiques représentent 35 %
de la cote et Nvidia contribue à hauteur d’un tiers de la performance annuelle du S&P500 américain.
Le VIX, indice de peur des actions américaines, est au plus bas depuis des mois et semble immunisé face au risque politique français. Enfin, le S&P500 progresse sans vaciller
et cumule 336 jours sans baisse de plus de 2 % » ajoutent les gérants d’Apicil.
Le Japon et certains pays émergents sont aussi intéressants.
La Chine pourrait notamment constituer une opportunité à court terme si les autorités
politiques cherchent à soutenir leur économie et leur marché d’actions.
Mais, au-delà de l’empire du Milieu que ne séduit pas tous les analystes, il existe des opportunités dans d’autres pays émergents, avec des potentiels de croissance structurelle, notamment en Inde, en Indonésie ou en Corée du Sud.
Des actifs obligataires attractifs
Dans le cadre de la diversification, les obligations occuperont, avec les actions, le cœur des portefeuilles d’actifs.
Plus généralement, les actifs de rendement sont à privilégier, notamment les obligations européennes de crédit qui restent attractives avec un taux de défaut des entreprises toujours très bas.
La sélectivité restera toutefois, une fois de plus, incontournable.
Les obligations françaises seront à manier avec prudence car le financement de la France pourrait constituer un point de vulnérabilité dans l’éventualité d’une mésentente persistante entre les différents groupes politiques au parlement.
La politique monétaire de la Banque centrale européenne devrait, la période estivale passée, revenir sur le devant de la scène.
Justement du côté des banquiers centraux, les marchés anticipent une prochaine baisse des taux directeurs pour le mois de septembre de part et d’autre de l’Atlantique.
Aux États-Unis, l’indice des prix le plus observé de la FED pour connaître l’évolution de la consommation des ménages, le core PCE, indique une poursuite du ralentissement de l’inflation, de bon augure pour une future baisse des taux en septembre.
« La volatilité demeurant élevée dans cette phase de désinflation, nous privilégions les obligations d’État et le crédit de qualité.
Les obligations des pays émergents bénéficieront de l’assouplissement de la Fed et les obligations en monnaies locales deviendront attrayantes à mesure que le dollar américain s’affaiblira » expliquent les experts d’Amundi.
Outre les actions et les obligations, l’immobilier et plus spécifiquement la pierre papier pourraient aussi entrer dans l’œil du cyclone.
« Face à l’incertitude politique française, nous substituons notre position sur l’immobilier par de la dette privée non cotée.
En effet, l’immobilier ne semble pas pouvoir rebondir à court terme entre l’absence de plan de relance et la baisse en sursis des taux d’intérêts »estime les experts de Primonial.
La tentation luxembourgeoise
Qu’il s’agisse des actions ou des obligations, les Français investissent largement dans ces actifs à travers l’assurance-vie.
Or, depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, les conseillers financiers constatent un embouteillage dans les demandes de renseignements sur l’assurance-vie luxembourgeoise.
La tentation de l’exil est motivée avant tout par le souhait de sécuriser leurs avoirs, face à la menace du retour de l’impôt sur la fortune assis sur les actifs financiers, la suppression de la flat tax, l’alourdissement de la fiscalité sur les successions et la hausse des impôts sur le revenu.
Le Luxembourg offre un cadre juridique, politique et économique solide et une protection des avoirs des souscripteurs grâce au « triangle de sécurité ».
Ce système permet au souscripteur de choisir lui-même la banque dépositaire à laquelle
il souhaite confier son argent.
Ensuite, contrairement à la France, l’enveloppe luxembourgeoise permet de bénéficier d’une position de créancier privilégié en cas de défaillance de la compagnie d’assurance.
Les avoirs ne peuvent être bloqués et la protection du capital est illimitée.
Dans l’Hexagone, depuis l’entrée en vigueur de la loi Sapin 2, les avoirs en assurance-vie peuvent être soumis à un blocage de six mois et la protection du capital est limitée
à 70 000 euros.
Si la dissolution de l’Assemblée nationale a accru l’incertitude entourant l’épargne des Français, les risques géopolitiques, de survalorisation de la tech américaine… sont à garder à l’esprit.
Après l’attentat perpétré contre Donald Trump le 13 juillet dernier, les élections américaines de novembre devraient rapidement occuper le cœur de l’actualité, non seulement française mais internationale.