Si la croissance du champagne se joue désormais à l’export, les Français restent des inconditionnels des fines bulles. Les élaborateurs proposent un choix croissant de cuvées, des bruts sans année aux rosés, en passant par les extra-bruts et les millésimés.

 

Cette année encore, les Français inviteront à leurs tables de fin d’année un inamovible invité de marque : le champagne. Si la consommation a tendance à baisser dans notre pays (de 180 à 147 millions de bouteilles entre 2009 et 2018), la France reste en effet,
et de loin, le premier débouché du plus célèbre des effervescents, avec près d’une bouteille sur deux. Comme tous les amateurs de bulles du monde, les Français associent le champagne à la fête et 82 % des consommateurs plieront au rituel de la coupe ou de la flûte pendant les fêtes de fin d’année, selon le syndicat général des vignerons (SGV).

Il n’en reste pas moins vrai que le marché du champagne puise aujourd’hui sa croissance à l’export, dont les débouchés grandissent en volume et assurent souvent une meilleure valorisation. Si les expéditions de champagne se sont à nouveau globalement repliées l’année dernière (-1,8 %), avec 301 millions de bouteilles, le chiffre d’affaires de la filière a en effet atteint un nouveau record à 4,9 milliards d’euros. Une évolution liée à d’excellentes performances à l’exportation, selon le bilan annuel établi par l’interprofession, le CIVC.

En dépit de performances médiocres au Royaume-Uni en raison des incertitudes liées au Brexit, les ventes de champagne ont progressé sur la plupart des marchés à l’exportation, avec une performance de +0,6 %, pour 154,8 millions de bouteilles.

Les États-Unis demeurent le premier débouché avec un chiffre d’affaires de 577 M€ et des volumes qui progressent (+2,7 %). Après le Royaume-Uni, le Japon conserve sa troisième place (+3,9 %), la Suisse (+7,8 %), le monde chinois (+10,3 %) et le Canada (+3,7 %) confortant leur rang parmi les dix premiers marchés du champagne à l’export en valeur. « Pour la première fois depuis le début du 20ème siècle, l’export compte désormais pour plus de la moitié des volumes (51,3 %) du champagne », commente l’interprofession dans son rapport annuel.

La filière champagne « vit sa deuxième mondialisation », note le CIVC, qui relève que la situation s’est déjà produite par le passé. « En effet, au début du 20ème siècle, la Champagne expédiait jusqu’à 30 millions de bouteilles par an et environ 70 % étaient destinées aux marchés extérieurs ».

 


 

Une gamme de plus en plus diverse

En même temps qu’il se mondialise, l’univers du champagne se diversifie. Le produit de référence de l’appellation demeure bien sûr le brut non millésimé. Cela reste la cuvée la plus expédiée à l’international avec quatre bouteilles sur cinq. Mais les autres cuvées se développent régulièrement, à commencer par le rosé, qui pèse désormais pour 10 % des exportations de champagne. Les cuvées « de prestige » représentent près de 5 % des exportations en valeur mais plus de 16 % en chiffre d’affaires. Elles prospèrent en particulier sur le marché japonais, où elles constituent près de 30 % de la valeur. La part des champagnes au dosage élevé atteint 3,4 % des volumes, tirée par la demande des Japonais et des Chinois, tandis que les champagnes faiblement dosés progressent très rapidement dans l’Union européenne (+16,7 %). Les millésimés, qui ont tendance à décliner à l’export, ferment la marche avec 1 % du marché export.

En France aussi, la demande des consommateurs évolue, et a tendance à se diversifier. Ils achètent certes moins de champagne (-1,2 % en 2018), mais se tournent vers de produits de qualité, avec des dépenses en hausse de 1 %. Cela se traduit en particulier par le repli des champagnes d’entrée de gamme, relève l’interprofession. Dans les hypermarchés et supermarchés, les  champagnes positionnés à moins de 12 € ont reculé de 18 % l’année dernière et perdu un point de part de marché en volume, les offres positionnées au-delà de 20€ représentant désormais plus de la moitié des ventes (51 %).

Extra-brut et non dosés ont la cote

Maisons de champagne, coopératives et vignerons répondent aux nouvelles aspirations des consommateurs français par des champagnes adaptés à leurs attentes, en particulier avec des cuvées faiblement dosées.

Rappelons que le dosage, lié à la quantité de liqueur d’expédition utilisée, détermine le type de vin que l’on désire obtenir : doux (plus de 50 g de sucre par litre), demi-sec (entre 32 et 50 g), sec (entre 17 et 32 g), extra-dry (entre 12 et 17 g), brut (moins de 12g) et extra-brut (entre 0 et 6 g). Pour une teneur de moins de 3 grammes et si le vin n’a fait l’objet d’aucune adjonction de sucre, les mentions « brut nature », « pas dosé » ou « dosage zéro » peuvent être utilisées.

Les cuvées répondant aux dernières catégories (extra-brut et brut nature) se sont imposées dans les gammes. Champagne de Saint-Gall, qui associe 14 coopératives viticoles, est ainsi à l’initiative de la création de quatre nouvelles cuvées sous la marque
Influences. La gamme se caractérise par un dosage Extra-Brut, avec quatre expressions différentes : « Le Charpenté », « L’Expressif », « Le Minéral » et « Le Généreux ». Des dénominations qui ont pour but d’expliciter la typicité des terroirs de la Champagne et ce qu’ils apportent d’unique et différent dans chaque cuvée. Les metteurs en marché segmentent ainsi volontiers le marché en fonction des occasions de consommation. Cette année, Champagnes de Vignerons, marque collective des vignerons indépendants et coopératives, a ainsi souhaité accompagner les amateurs de fines bulles en classant les champagnes selon trois grands profils aromatiques, les empreintes Fruit (fruités et gourmands), Sol (vifs et minéraux) et Cave (élevés en cave et maturés).

Les vins non dosés font également une percée remarquée dans les catalogues. Relevons celui de Drappier, qui propose une cuvée 100 % pinot noir et sans dosage et une autre sans dosage ni addition de soufre ou encore le « zéro dosage » de Lucien Collard, à Bouzy, avec un assemblage de 70 % pinot noir et 30 % chardonnay. « On croit à tort que le zéro dosage serait une nouvelle tendance dans le champagne », relève le vigneron. « Or ces vins ont fait leur première apparition à l’époque de la Régence ! » Un retour aux sources, en quelque sorte.

Au-delà de cette tendance « nature », la période des fêtes est propice aux cuvées de prestige (nous en présentons une sélection), mais aussi aux millésimés, les années exceptionnelles longuement travaillées. La Maison Lanson, reconnue pour ses « années d’or », a ainsi dévoilé récemment son 2009. De son côté, Bollinger entend marquer les esprits avec une édition limitée de son millésime 2011, issu exclusivement des grands crus de Pinot Noir du village d’Aÿ. Sa sortie correspond à celle de « No time to die », le 25e opus de la saga James Bond, dont le personnage principal n’a jamais caché ses préférences pour cette marque…

 


Brimoncourt, une marque est née

En à peine cinq ans, Brimoncourt a trouvé sa place dans un paysage champenois pourtant déjà riche. Reprise en 2008 par Alexandre Cornot, un ancien officier de marine, notaire puis marchand d’art à New York, la marque tombée dans l’oubli a été remarquée par Philippe de Rothschild France Distribution (RFD), filiale à 100 % de Baron Philippe de Rothschild SA. Son référencement, début 2014, lui a ouvert les portes d’un réseau de distribution sélectif de cavistes, cafés, hôtels et restaurants dont les magasins du réseau Nicolas. Produite dans une ancienne imprimerie que le repreneur de la marque a rachetée, les champagnes Brimoncourt ont constitué un patrimoine et bâti un style et une image. Côté patrimoine, l’entreprise a commencé à acquérir ses vignes en propre en 2016. «Notre démarche s’inscrit toujours dans une logique de consolidation de notre sourcing avec l’acquisition d’un hectare en Grand Cru », précise la Maison. Côté style, Brimoncourt est parvenu à imposer le sien, celui de « l’élégance joyeuse ». Sa première cuvée « Brut Régence », produite à partir de 2013, est un champagne à dominante chardonnay avec une pointe de pinot noir. Depuis, la gamme s’est étendue : un Extra Brut (80 % de pinot noir et 20 % de chardonnay) vendu notamment à la Grande épicerie, un Brut Rosé (35 % de chardonnay, 40 % de pinot noir, 25 % de pinot meunier) et un Blanc de Blancs 100 % chardonnay. Pour cette fin d’année, la marque sort un original coffret transparent en verre, fait et assemblé à la main. La marque finalise également son premier millésime, le 2009, qui devrait sortir en 2020. En quelques années, Brimoncourt s’est déjà constitué un solide réseau à l’export. Sur un total de 200 000 cols, 40 % sont exportés, principalement au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Australie, en Scandinavie et au Canada.