La Cité de l’architecture et du patrimoine a mis en lumière le moment durant lequel la France, symbole de modernité, est au faîte de son rayonnement dans le domaine des arts décoratifs, l’exposition internationale de 1925 Paris valant à Paris d’apparaître alors comme «The Prophetic City ».
Des Années folles qui placent l’Art déco au cœur du dialogue transatlantique.

L’exposition Art déco – France // Amérique du Nord fait le récit des fructueux échanges intellectuels et artistiques entre le Vieux Continent et le Nouveau Monde, de la fin du XIXe siècle à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

Elle a eu lieu au palais de Chaillot (mars 2023), monument majeur des années 30 qui se prête pour l’occasion à une habile mise en abyme, son architecte, l’américanophile Jacques Carlu (1890-1976), étant une figure de ce mouvement avant-gardiste.

Plus de 350 œuvres ont dressé le portrait de cette époque charnière marquée par les mutations fulgurantes de la société.

En filigrane, elles explorent le contexte ainsi que les différentes manières dont l’Art déco, incarnation de la modernité, s’est diffusé aux États-Unis, donnant lieu là-bas à une réinterprétation emprunte de toujours plus de mouvement et d’élévation, inspirée par
la verticalité des premiers buildings, l’aérodynamique des nouveaux moyens de transport qui modifient le visage et la course du monde.

Un goût nouveau, épris d’unité et d’harmonie

Encore aujourd’hui, partout dans le monde, ce style intemporel est toujours synonyme de luxe.

Indissociable du chic des plus beaux établissements hôteliers, il en a autrefois défini
les codes à bord des palaces flottants qui assuraient la lente traversée d’une rive à l’autre de l’Atlantique : avant que l’avion ne conduise à l’inexorable déclin de ces légendaires croisières, les paquebots incarnent le nec plus ultra.

Ces Versailles des mers sont décorés sous la houlette de grands noms de la décoration comme Pierre Patout (1879-1965) ou encore Emile-Jacques Ruhlmann (1879-1933)…

Ils sont les hérauts d’un goût moderne qui, par la géométrie de ses lignes, sobres
et fluides, prend le contrepied de l’Art nouveau, jugé passéiste.

À l’instar des immenses salons de réception dans lesquels le gotha égrène les longues heures de voyage, le raffinement des aménagements intérieurs que ces ensembliers de génie signent est tel qu’il contribue à faire de ces navires reliant Paris à New York de véritables vitrines de l’art de vivre à la française.

Décrit dans la revue L’Architecture deux ans après sa mise à flot, le paquebot Île-de-France (1927) apparaît aux yeux de ses contemporains comme « une ambassade flottante, parcelle de la mère-patrie, exposition permanente, palais d’échantillonnage du luxe, synthèse des manifestations du goût, image du génie national… ».

Paris, the prophetic city

C’est que depuis 1925, la France revendique haut et fort son statut de patrie originelle de l’Art déco : le retentissement international de l’exposition des arts décoratifs et industriels modernes a fait de Paris un modèle.

Inauguré devant 4 000 invités par le président de la République Gaston Doumergue, l’évènement rassemble 150 pavillons et galeries.

Herbert Hoover, alors secrétaire d’État au commerce, y a dépêché une importante délégation qui, à son retour, se fait l’écho des idées de ce style inventif.

De février à septembre 1925, le New York Times publie pas moins d’une centaine d’articles.

Le reporter américain Edgard Miller va jusqu’à chanter les louanges de la « Prophetic City ».

L’art déco devient alors un modèle diplomatique, un moteur pour le commerce extérieur, qui promeut les savoir-faire uniques de l’Hexagone.

En 1929, devant les représentants de la chambre de commerce française de New York, l’ambassadeur de France aux États-Unis Paul Claudel, porte un toast à la « révolution dont notre inoubliable exposition des Arts décoratifs à Paris en 1925 a donné le signal et dont les conséquences, pour le commerce de la France, spécialement avec les États-Unis sont incalculables ».

Outre-Atlantique, la high society, francophile et francophone, se fait l’émissaire enthousiaste du style Art déco : comme Joséphine Baker, elle a deux amours,
son pays et Paris.