Les fonds en euros ont repris des couleurs. Après deux décennies de baisse, les rendements de ces fonds au capital garanti s’affichent autour de 2,5 % en 2023. Mais d’une compagnie à l’autre, les écarts de rémunération sont notables. Patrimoine Privé décrypte les grandes tendances du marché des fonds en euros, qui constituent 60% des 1 900 milliards d’euros d’encours de l’assurance-vie.

 

Après un plus bas de 0,5 % en 2019, les rendements des fonds en euros fluctuent pour ce cru 2023 entre 1 % et 4 %, le rendement moyen se situant à 2,5 % nets de frais, soit 2,15 % après prélèvements sociaux.

Il s’établissait à 2 % nets de frais en 2022.

Les compagnies ont globalement mis le pied sur l’accélérateur pour séduire les épargnants. Leur objectif est double.

L’un des enjeux est de lutter contre la concurrence du livret A et d’autres produits d’épargne, tels que les comptes à terme…, qui ont vu leurs rendements tonifiés par la hausse des taux d’intérêt.

Depuis le 1er janvier 2023, la rémunération du livret A est fixée à 3 %, soit un sommet de 14 ans, tandis que le LEP offre du 5 % depuis le 1er février 2024.

Sa rémunération a même caracolé à 6 % sur le dernier semestre 2023. Signe de cette rude concurrence, le livret A a enregistré un record de collecte nette en 2023, à 28,68 milliards d’euros, quand, dans le même temps, les fonds en euros subissaient une décollecte massive de - 27,6 milliards d’euros.

Les nouveaux contrats plus rémunérateurs

En remontant les rendements de leurs fonds en euros, les compagnies espèrent inverser cette tendance en 2024. Mais ce n’est pas le seul objectif.

Le second est d’attirer de l’argent frais susceptible d’être investi en actifs sensiblement plus rentables que ceux qui étaient injectés dans les portefeuilles des compagnies jusqu’en 2021.

Après des années de taux zéro, voire négatifs, la remontée des taux d’intérêt sonne comme une véritable bouffée d’oxygène, en donnant accès à des obligations, – sous-jacent prépondérant des fonds en euros –, plus rémunératrices.

Les obligations les mieux notées du marché, appelées « investment grade » délivrent actuellement du 5 % et même davantage pour le « high yield », des obligations à haut rendement plus risquées.

Pour les anciens contrats, la volonté est d’acheter de nouvelles obligations plus rémunératrices, ce qui nécessite au préalable de collecter de l’argent, pour venir compenser les stocks d’obligations à faibles rendements accumulés lors de la période des taux bas.

Ce poids ne s’estompera toutefois qu’au fil du temps, avec l’arrivée à échéance de ces anciennes obligations et l’achat progressif de nouvelles obligations.

Les fonds en euros mis sur le marché en 2023 ou actuellement étant pour leur part uniquement investis dans de nouvelles obligations, leurs performances se démarquent naturellement et les meilleurs rendements dépassent même les 4 %.

Les réserves, l’atout des anciens contrats

Les anciens fonds en euros disposent toutefois de marges de manœuvre pour limiter les dégâts face aux jeunes pousses et se rapprocher de la rémunération du livret A.

Dans le cadre de la protection des épargnants, les compagnies sont tenues de constituer des réserves à partir des bénéfices réalisés chaque année par leurs fonds en euros.

Pour les fonds en euros anciens, ces réserves peuvent être conséquentes.

Cette poche d’argent peut être redistribuée par les compagnies et venir gonfler le rendement de leurs fonds en euros.

Selon la société Good Value For Money, les réserves des assureurs au titre de la provision pour participation aux bénéfices (PPB) s’élevaient à fin 2023 à 4,98 %.

Mais toutes les compagnies ne mettent pas en œuvre les mêmes politiques de réserves.

Le niveau de ces dernières peut en l’occurrence varier, avec comme conséquence des capacités de redistribution des réserves variables, synonymes d’augmentations plus ou moins importantes de leurs rendements.

Mais globalement, les taux servis par les anciens contrats se sont redressés et aucun ne s’affiche au-dessous de 1 %.

Le gendarme des banques et assurances, l’ACPR, avait quelques semaines avant l’annonce des bénéfices servis, mis la pression sur les compagnies en préconisant une redistribution progressive des provisions pour participation aux bénéfices pour tous les assurés, et pas seulement des nouveaux.

Des taux bonifiés à saisir

Pour se démarquer de la concurrence, certaines compagnies ont par ailleurs proposé des offres à taux bonifié.

Concrètement, elles ont servi un supplément de rendement variant de +0,25 % à +2 %.

Un contrat rapportant initialement 2 %, avec un bonus de 1 %, verrait par exemple sa rémunération grimper à 3 %.

Mais bien souvent, ces bonus imposent des contreparties.

Dans bien des cas, l’assuré devra ainsi investir un minimum dans des unités de compte ou tout simplement effectuer de nouveaux versements sur son fonds en euros.

Il faudra par ailleurs surveiller la date de validité de ces bonifications et pour quels contrats ces bonifications ont été instaurées.

Il arrive qu’une compagnie souhaite promouvoir spécifiquement la collecte de certains de ses contrats et seuls les rendements des fonds en euros de ces contrats bénéficient d’une bonification.

Compte tenu des meilleures conditions de marché, de leurs réserves et d’éventuelles promotions commerciales, les compagnies sont de plus en plus nombreuses à pouvoir espérer faire jeu égal avec le livret A.

Leurs fonds en euros devraient par contre bel et bien prendre l’avantage sur les contrats à terme dont les rendements sont susceptibles d’être moins attractifs avec la baisse attendue des taux directeurs des banques centrales.

La diminution de l’inflation devrait, par ailleurs, permettre le retour d’un rendement réel positif pour l’assurance-vie.

Nouveau bras de fer entre les fonds en euros et les UC

Avec des fonds en euros plus attrayants, les assurés seront confrontés à un nouveau dilemme : faut-il placer son argent sur ces fonds sécurisés ou opter pour les unités de compte ?

En 2023, les assurés ont été pragmatiques et opportunistes en sortant des fonds euros dont le rendement était peu attractif tout en continuant d’acheter des unités de compte au moment où les marchés étaient haussiers.

Le CAC 40 a gagné plus de 15 % sur l’ensemble de l’année 2023.

Sur l’année écoulée, la collecte nette des UC a d’ailleurs plus que compensé celle des fonds eu euros. La collecte nette des unités de compte s’est élevée à 30,4 milliards d’euros.

Les UC ont représenté, en 2023, 41 % de l’ensemble de la collecte de l’assurance, soit mieux qu’en 2022.

Leur collecte, en progression de 8 % par rapport à 2022, a porté celle de l’assurance-vie, les fonds euros ne connaissant qu’une croissance de 4 %.

Outre les unités de compte investies en actions, les UC ont su venir chasser sur le terrain des fonds en euros, avec des offres toujours plus attrayantes et diversifiées.

Intégrant des produits structurés à capital et taux garantis, leur rémunération a régulièrement dépassé les 5 %.

Il s’agit de titres de créances émis par des banques, le plus souvent constitués d’obligations d’entreprises, lesquelles bénéficient de l’environnement de taux encore élevés.

Mais avec la détente des taux obligataires, ces produits pourraient perdre de leur superbe face aux fonds en euros. Mais le bon début d’année des marchés actions devrait favoriser une plus large diversification au sein des contrat d’assurance-vie.