La guerre en Ukraine a créé une véritable onde de choc sur l’économie mondiale, avec de fortes pressions sur les prix des matières premières.
Son impact reste néanmoins très variable selon les secteurs d’activité. En bourse, la volatilité s’est accentuée et les indices sont à la peine, mais des valeurs tirent partie de la situation. Pour préserver son patrimoine, voici les entreprises à privilégier.

 

Déclenchée le 24 février 2022, la guerre en Ukraine s’enlise. La perspective d’une résolution rapide semble de plus en plus improbable. Alors que les sanctions contre la Russie continuent de s’accumuler, un retour à la situation d’avant-guerre paraît illusoire, même en cas de fin anticipée du conflit.

L’importance des belligérants – Russie et Ukraine – dans la production de nombreuses matières premières et les craintes de ruptures d’approvisionnement ont d’ores et déjà entraîné une flambée des prix, provoquant une baisse du revenu disponible des ménages
et donc de la consommation, en particulier en Europe.

Ces incertitudes et la crainte des entreprises de voir leur chaîne d’approvisionnement désorganisée devraient aussi lourdement peser sur les décisions d’investissement des groupes dont la situation financière risque de se dégrader sensiblement, les coûts de production continuant à augmenter ou restant élevés.

La croissance mondiale a en tout cas connu un coup d’arrêt au premier trimestre.

L’économie américaine a reculé de 0,4 % et le PIB de la zone euro n’a progressé que de 0,2 %, celui de la France affichant une croissance nulle. Parallèlement, l’inflation jugée dans un premier temps transitoire s’est amplifiée au fil des mois.

Les économistes tablent sur une hausse des prix comprise entre 7 % et 10 % sur un an en zone euro. Plus généralement, les investisseurs craignent une entrée en stagflation, c’est-à-dire une croissance faible couplée à une inflation élevée.

Le secteur de la Défense dopé par les bruits de bottes

Malgré ce contexte économique dégradé, les résultats des entreprises au premier trimestre 2021 ont été de bonne facture. Mais ces performances sont le reflet d’une activité passée. Aujourd’hui, les préoccupations des patrons sont tout autres.

Les perspectives de ces entreprises, notamment pour les sociétés exposées à la Russie, sont chamboulées, avec un horizon bien souvent moins porteur surtout en cas de conflit long.

A contrario, le secteur de la Défense a suscité l’engouement des investisseurs dès le début du conflit en Ukraine.

Le titre Thales, dont plus de la moitié des revenus sont issus du militaire, a bondi de 60 %, passant de moins de 80 euros à plus de 120 euros, depuis le début de l’année. Les bureaux d’analystes demeurent par ailleurs positifs sur la valeur.

Leurs objectifs de cours ont été sensiblement relevés ces derniers mois. Les analystes de Société Générale visent désormais un objectif de 131 euros quand ceux de Berenberg anticipent les 144 euros.

Dassault Aviation affiche également une forte progression, avec un gain de plus de 65 % depuis le début de l’année. Le chancelier allemand Olaf Scholz a annoncé le 27 février un réarmement historique de l’Allemagne, évoquant un investissement exceptionnel de 100 milliards d’euros sur les prochaines années.

Au niveau des recommandations, Deutsche Bank a par exemple relevé son objectif de cours de 160 à 198 euros sur le titre, tout en maintenant sa recommandation d’Achat. Oddo BHF a pour sa part réaffirmé son opinion « surperformance » sur le titre, avec un objectif de cours remonté de 158 à 170 euros.

Les énergies vertes élevées au rang d’enjeu stratégique En Bourse, le secteur des énergies vertes a aussi échappé à la casse enregistrée par les indices boursiers depuis le début de la guerre en Ukraine.

Déjà au cœur de la lutte contre le réchauffement climatique, le vent, le soleil, l’eau et la biomasse sont clairement apparus comme les seules énergies primaires mobilisables à court ou moyen terme dans l’Union européenne pour remplacer les importations d’énergies fossiles de Russie.

À la Bourse de Francfort, les actions des grandes entreprises actives dans ces secteurs ont crevé le plafond.

Depuis le début de la guerre, l’action de JinkoSolar, l’un des plus importants fabricants mondiaux de modules photovoltaïques a bondi de plus de 30 % et celle de SunPower s’est envolée de pratiquement 20 % en une seule séance.

Au regard des sanctions prises à l’encontre de Moscou, le secteur des énergies vertes semble dans tous les cas promis à un bel avenir. Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’indépendance énergétique – en particulier à l’égard du belligérant russe – est devenue le nouveau mot d’ordre mondial.

Les États-Unis ont officialisé en mars l’embargo sur les importations américaines de pétrole et de gaz russes. La Commission européenne, qui écarte pour le moment l’option d’un embargo, vient de présenter son plan pour réduire de deux tiers les importations de gaz russe de l’UE dès 2022.

La France vise pour sa part l’indépendance énergétique totale dans les dix prochaines années, selon le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire.

Énergies fossiles : une flambée des prix pas toujours rémunératrice

La forte hausse des prix du gaz et du pétrole aurait également dû être saluée par le secteur des énergies fossiles. Le chiffre d’affaires de TotalEnergies a de fait progressé de 57 % au premier trimestre 2022 pour s’établir à 68,61 milliards de dollars, boosté par la hausse des cours du brut. Le groupe a néanmoins été chahuté en Bourse depuis le début de la crise ukrainienne.

Mis sous pression par le gouvernement français, le pétrolier a indiqué qu’il n’apportera plus de capital à de nouveaux projets en Russie. Si le pays pèse seulement 3 % à 5 % du chiffre d’affaires du groupe, il accueille deux de ses projets phares dans le gaz naturel liquéfié – Yamal LNG et Arctic LNG 2. Or, l’entreprise mise notamment sur cette énergie dans les années futures.

Malgré l’envolée des prix des matières premières, investir dans les énergies fossiles doit par conséquent se faire avec la plus grande sélectivité. Les entreprises du secteur subissent de fortes turbulences. Début mars, Engie a vu son action dégringoler de 13 % en une séance, l’énergéticien important beaucoup de gaz de Russie via sa filiale GRDF.

Le pétrole et le gaz ne sont toutefois pas prêts de sortir de notre quotidien.

D’ailleurs, Barclays a confirmé sa recommandation « surpondérer » et son objectif de cours de 70 euros sur TotalEnergies. Deutsche Bank a de son côté relevé sa recommandation sur Engie de conserver à achat et a confirmé son objectif de cours de 13,5 euros.

Les techno chahutées… l’auto et les banques pénalisées

Au sommet ces dernières années, les valeurs technologiques sont entrées dans une période de turbulence. Avec la multiplication des ruptures d’approvisionnement de composants, comme les microprocesseurs…, mais aussi la montée des coûts des matières premières, ces valeurs risquent encore de gagner en volatilité dans les prochaines semaines.

Au cœur de la R&D en faveur de la transition climatique, le secteur des technologies a pourtant des cartes à jouer, en plus de la digitalisation à marche forcée des entreprises.

De fait, le conflit en Ukraine a fait prendre conscience aux pays européens de la nécessité d’accélérer les politiques d’indépendance énergétique et de diversification vers les énergies renouvelables. Comme pour les énergies fossiles, la plus grande sélectivité sera de mise pour se constituer une poche de valeurs technologiques.

L’avenir proche sera par contre délicat pour les banques et le secteur automobile, apparaissant comme les grands perdants de la guerre en Ukraine. Pour Renault, la Russie représente par exemple le deuxième marché du groupe dans le monde derrière l’Europe, avec près de 500 000 véhicules vendus l’an passé.

AvtoVAZ, racheté à 69 % fin 2016 par Renault, produit notamment les deux voitures les plus vendues en Russie, les Lada Vesta et Granta, pour une part de marché de 28,8 % au total.

La Société Générale, avec Rosbank sa filiale à 100 % en Russie, représentant environ 3 % de ses revenus, a aussi vu ses cours chahutés, en réaction à l’exclusion du secteur bancaire russe du système Swift.

Autre phénomène lié au conflit ukrainien, les petites et moyennes valeurs sont globalement délaissées.

Les investisseurs tendent à se rabattre sur de plus grosses valeurs, membres du CAC 40, qui sont plus liquides et permettent de récupérer plus rapidement ses avoirs en cette période de crise.

Les valeurs insensibles aux cycles économiques

Présentées comme refuges ou défensives selon les terminologies employées, ces valeurs sont normalement insensibles aux cycles conjoncturels, voire aux crises.

Les entreprises de la santé surfent par exemple sur des valeurs structurellement positives comme l’amélioration du niveau de vie et le vieillissement de la population.

« Le secteur a affiché une croissance stable de ses bénéfices au cours des dix dernières années. Les dépenses publiques en recherche sur les soins de santé ont été dopées par la pandémie de Covid-19, et celle-ci a mis en évidence l’importance de l’innovation dans ce secteur.

Autre facteur qui dissocie le cycle des nouveaux produits du cycle économique » explique Rudi Van den Eynde, Head of Thematic Global Equity Management, Candriam.

Le titre Sanofi a par exemple gagné plus de 10 % depuis le début de l’année quand le Cac 40, son indice de référence, a reculé de plus de 11 %.

Et malgré des prévisions potentiellement prudentes, la croissance estimée des bénéfices des sociétés du secteur mondial de la santé attendue en 2022 devrait dépasser les 7 %, selon Bloomberg.

Le secteur des télécommunications constitue un autre secteur défensif pouvant aussi tirer son épingle du jeu car il bénéficie de revenus réguliers non impactés par le conflit.

Trouver refuge en dehors de la Bourse

Pour préserver ses économies, les actions ne constituent pas forcément la voie royale en période de crise géopolitique ou économique. De tout temps, l’or a fait figure de valeur refuge par excellence.

À un peu plus de 1 650 dollars l’once avant le 24 février, le métal a allègrement dépassé les 1 850 dollars début mars. Désormais, l’once flirte avec les 1 800 dollars.

Au-delà des achats de pièces et de lingots, les investisseurs ont la possibilité d’investir dans des mines d’or négociables sous forme de titres vifs ou d’OPC.

Ces derniers permettent de diversifier son investissement au sein d’un panier d’actions de mines d’or américaines, canadiennes, africaines ou australiennes…

Compte tenu de la forte hausse de l’or, la question est : faut-il encore acheter du précieux métal. Comme pour tout investissement, l’idéal consiste à acheter régulièrement, quasiment tous les mois. Pour les entrants, le conseil est d’attendre une fenêtre de consolidation.

Nombre d’analystes estiment que la structure à moyen terme de l’or, même s’il y a une détente géopolitique, devrait rester haussière pour des questions de demande mondiale.

Il faudra toutefois surveiller la politique monétaire des banques centrales et notamment de la Fed américaine, dans leur lutte contre l’inflation.

Les obligations jouent aussi le rôle de valeur refuge. Avec la période de forte volatilité des marchés actions et d’incertitude, les obligations d’État américaines ont en particulier été très recherchées. Ce mouvement est qualifié par les professionnels de « flight to quality » ou « fuite vers la qualité ». Il consiste à délaisser les actifs risqués pour se reporter vers les actifs moins volatils.

En cette période de hausse des prix et d’anticipation de hausse des taux des banques centrales, les obligations indexées sur l’inflation constituent une autre alternative.

Leur avantage est de disposer d’un coupon (les intérêts versés) et d’une valeur de remboursement indexés sur l’inflation.

En d’autres termes, les intérêts qu’un emprunteur verse et le remboursement du capital évoluent en fonction de l’inflation, préservant ainsi l’investisseur de l’évolution des prix.

 

Le pire n’est jamais sûr Le meilleur non plus

Dans l’hypothèse où la Russie et l’Ukraine venaient à enterrer la hache de guerre, l’économie mondiale retrouverait rapidement sa trajectoire de début 2022 et la croissance connaîtrait une nouvelle accélération. Les goulots d’étranglement au niveau de l’offre,
qui ont contribué à des niveaux d’inflation jamais vus depuis plusieurs décennies, commenceraient à se détendre.

Et l’Histoire montre que les actions tendent à se redresser rapidement au lendemain d’un conflit.

Les actions européennes seraient logiquement les premières à bénéficier d’un cessez-le-feu, car elles sont les plus exposées aux impacts de la guerre.

Massacré, le secteur automobile bénéficierait d’un fort potentiel de rebond, alors que les ventes sont très en dessous de leurs niveaux de 2018-2019.

Par contre, dans le cas d’un scénario extrême, d’extension du conflit au continent,
les économies se retrouveraient sur le pied de guerre, du jamais vu dans le monde occidental depuis 80 ans.

La production industrielle serait canalisée vers l’effort militaire, l’énergie serait rationnée pour les consommateurs et pour l’ensemble des secteurs économiques.

Au niveau international, les chaînes d’approvisionnement et les réseaux commerciaux devraient être repensés.

Dans un tel contexte, l’or, les liquidités et les bons du Trésor américain constitueraient les rares pistes d’investissement envisageables face à la tourmente. De plus, pour leur part, les actions seraient fortement chahutées !