La loi Pacte ne sera pas synonyme de révolution pour l’assurance-vie. Ses avantages, en particulier fiscaux, sont préservés et les fonds eurocroissance vont être simplifiés pour gagner en attractivité. La volonté du gouvernement est également de faire de l’épargne retraite le pilier de l’épargne des Français.

 

Destiné à favoriser la création et le développement des entreprises françaises, le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises ou loi Pacte a vocation à flécher l’épargne des Français vers l’économie productive. Sur la trentaine de mesures constituant la loi Pacte, deux propositions concernent directement l’épargne des ménages. La première vise à relancer l’assurance-vie en fonds euro-croissance et la deuxième proposition à rénover l’épargne-retraite.

Avant la présentation des contours de la loi Pacte au début du mois de mai par le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, les craintes d’assister à un grand soir pour l’assurance-vie n’étaient pas écartées. Mais le gouvernement a choisi de jouer la continuité et de ne pas revenir sur les avantages octroyés par l’assurance-vie, ni modifier, encore, la fiscalité des placements. Comme l’a expliqué Bruno Le Maire dans les colonnes du journal Le Parisien, il convient avant tout de convaincre les Français que « leur argent est trop investi en épargne et pas assez en actions », sans toutefois toucher au fonctionnement des assurances-vie en fonds euros ou en unités de compte.

 

Offrir un second souffle à l’eurocroissance

Pour concilier ce double objectif, Bruno Le Maire a décidé de remettre sur le devant de la scène le fonds euro-croissance, qui n’a pas été plébiscité par les Français depuis sa création en 2014, et de lui assurer une place à part entière comme véhicule d’investissement aux côtés des fonds en euros et des unités de compte. Pour beaucoup, le faible engouement pour l’euro-croissance s’explique par un fonctionnement complexe et une performance pas suffisamment lisible pour les épargnants.

Dès l’origine, l’assurance-vie en euro-croissance a été pensée comme un placement à mi chemin entre le fonds euros et les supports en unités de compte. Ce placement offre de fait une garantie en capital, totale ou partielle, allant de 80 à 100 % selon les offres, au terme d’une certaine durée de détention, généralement huit ans. Mais l’épargnant peut choisir une échéance plus lointaine, 10 ans par exemple. Pour résumer, les rendements distribués peuvent varier selon la date à laquelle les épargnants ont investi, le niveau des garanties en capital retenues ou selon la durée pendant laquelle le capital ne sera pas garanti.

En contrepartie, l’euro-croissance promet un rendement potentiel plus élevé que celui des fonds en euros classiques. Ce dispositif permet en effet à l’assureur d’aller chercher un surcroît de performance sur les marchés actions, tout en limitant le risque pour le particulier. En 2017, les contrats en euros-croissance ont ainsi servi un taux de rendement moyen de 3,4 % contre 1,8 % pour les fonds euros.

 


Gérard Bekerman, président de l’Afer

Patrimoine Privé : Quel regard portez-vous sur la loi Pacte ?
Gérard Bekerman : Un beau regard. L’Afer se félicite du projet de Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, la loi Pacte, du ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire. Au-delà des dispositions relatives à l’assurance-vie, le projet de loi prévoit l’amélioration de la sortie en capital des différents produits individuels de retraite, ce qui est de nature à renforcer la liberté des épargnants. Pour sa part, l’Afer offre depuis 1976 à ses adhérents la liberté de sortir en capital à tout moment. Et ce n’est pas pour cela que les épargnants en abusent. La durée moyenne de détention du contrat Afer est de 18 ans. Le gouvernement envisage également de simplifier la portabilité des différents vecteurs d’épargne complémentaire, Perp, Perco, Madelin, Article 83…, et de les rapprocher au sein d’un dispositif juridique fédérateur. L’objectif est en quelque sorte de mettre en place une « flat retraite », un peu dans l’esprit de la « flat tax » instaurée fin 2017, avec un prélèvement forfaire appliqué à tous les revenus de l’épargne quelle que soit la durée de détention.

P.P. : La loi Pacte entend également moderniser les fonds euro-croissance. Cela constitue-t-il une bonne nouvelle pour les épargnants ?
G.B. : Oui. Dès leur lancement fin 2013, l’Afer a été un fervent défenseur des fonds euro-croissance. À ce jour, notre encours est de 250 millions d’euros, soit 10 % du marché. La modernisation des fonds euro-croissance est une bonne nouvelle pour les épargnants. Le gouvernement a choisi de ne pas substituer ces nouveaux fonds aux fonds généraux. Ils viendront au contraire compléter la gamme des produits proposés, avec, pour les épargnants, la possibilité de choisir dans une trilogie entre eurocroissance amélioré, fonds généraux et unités de compte. L’idée a ainsi été de renoncer aux fonds euro-bonifiés, qui n’avaient rien de bonifiés, sauf, peut-être, pour les assureurs. Le nouveau fonds euro-croissance ne sera plus dépendant de son référencement au taux français des emprunts obligataires, le TEC, ni au TEC Europe.
Sa poche de diversification va ainsi pouvoir être renforcée. Ne pouvant actuellement dépasser 10 % ou 11 % de l’encours d’un fonds euro-croissance, la PDD pourra mécaniquement aller vers des quotités supérieures de 15 % ou 20 %.

P.P. : L’instauration du nouveau fonds euro-croissance est-elle de nature à recomposer le paysage de l’assurance-vie ?
G.B. : L’émergence d’un fonds euro-croissance amélioré ne devrait pas bouleverser les comportements patrimoniaux des épargnants. En la matière, une forme d’inertie prévaut. La structure générale des 1 680 milliards d’encours de l’assurance-vie, avec 330 milliards en unités de compte et 1 350 milliards en fonds généraux, ne devrait pas être fondamentalement modifiée, même si des arbitrages des fonds généraux vers les nouveaux fonds euro-croissance ne peuvent être exclus, surtout que nous entrons dans une ère de confirmation de baisse des taux longs. Les épargnants seront par conséquent à la recherche d’opportunités pour dynamiser leurs performances, à l’image de l’euro-croissance. Au final, la « flat tax » et la loi Pacte préservent l’attrait de l’assurance-vie et innovent en matière de produits d’épargne retraite dans un sens de
liberté et de responsabilité des épargnants. La flat tax n’a pas bouleversé son cadre juridique et fiscal. Les souscripteurs bénéficient toujours des mêmes exonérations et des mêmes avantages en matière de succession. Un nouvel esprit de modernité souffle sur Bercy. C’est bon pour les assureurs et les assurés qui se satisferont d’un nouveau régime de rente sans doute avantageux fiscalement et d’une liberté recouvrée de sortie en capital.


 

Un encours multiplié par dix en deux ans

Pour permettre à l’euro-croissance bis de séduire les Français, Bruno Le Maire souhaite simplifier son fonctionnement. Le ministre des Finances propose en particulier que le rendement soit unifié pour tous les épargnants. À ce jour, les performances varient toutes d’un assuré à l’autre selon la date de souscription, la durée de l’engagement et le niveau de garantie retenus. Bruno Le Maire estime par ailleurs que les contrats eurocroissance pourraient être bonifiés lors d’engagements longs, en particulier dans les PME.

Face à des fonds en euros dont les rendements se tassent d’années en années et sans aller vers les unités de compte où le capital n’est nullement garanti, les fonds euro-croissance bis devraient constituer une troisième voie, renforçant encore un peu plus la flexibilité de l’offre de l’assurance-vie. Les marchés financiers étant gagnants sur une longue période, l’euro-croissance rassemblera tous les atouts pour offrir aux épargnants un surcroît de performance par rapport aux fonds en euros, en prenant un minimum de risque. Pour Bruno Le Maire, l’objectif est que l’encours de l’euro-croissance passe de 2 milliards d’euros à 20 milliards d’euros d’ici deux ans.

Faire de l’épargne retraite une référence

Avec la loi Pacte, le gouvernement entend redonner ses lettres de noblesse à l’épargne retraite, en réorientant l’épargne des Français vers des placements de long terme, plus à même de participer au financement des entreprises nationales. Actuellement, l’épargne retraite compte à peine 200 milliards d’euros d’encours, contre près de 2 100 milliards pour le livret A et l’assurance-vie. Pour doper l’attractivité des quatre dispositifs actuels, que sont le Madelin, le Perp, le Perco et l’article 83, leur portabilité notamment sera assurée. Contrairement à aujourd’hui, un salarié… changeant d’entreprise ou de métier, verra son compte d’épargne retraite l’accompagner. De plus, le conjoint pourra systématiquement bénéficier d’une option de réversion, pour l’instant limitée à certains contrats comme le Perp ou les contrats Madelin.

Par ailleurs, chacun sera libre de sortir le fruit de son épargne volontaire, mais aussi de l’intéressement et de la participation, soit en capital soit en rente. Actuellement, seul le Perco permet de récupérer à terme l’intégralité de son capital. Les contrats dits « article 83 » et Madelin ne se dénouent que sous forme de rente. Dans un Perp, 20 % maximum de l’épargne constituée peuvent être perçus sous forme de capital. La possibilité de déblocage anticipé, avant la retraite, des sommes placées sur ces produit d’épargne retraite sera également étendue à tous les dispositifs en cas d’achat d’une résidence principale. Une option qui était jusqu’à présent réservée aux seuls Perco. Tous les dispositifs d’épargne retraite bénéficieront en outre d’une fiscalité attractive. Pour chaque versement volontaire effectué par l’épargnant, celui-ci aura le droit à une déduction fiscale. Cette déduction se fera dans la limite des plafonds existants, soit 30 000 euros par an pour un PERP par exemple.

La volonté du gouvernement est que la loi Pacte soit adoptée d’ici la fin de l’année 2018 pour qu’elle puisse entrer en vigueur en 2019.