Alors que les marchés actions ont tutoyé
leurs plus hauts historiques en ce début 2023,
entrer en bourse peut sembler un pari risqué.
Les plus optimistes estimeront que le scénario d’une récession mondiale se dissipe quelque peu.
À l’opposé, les investisseurs prudents miseront sur une correction pour acheter la cote à bon compte. Face à ces incertitudes, des secteurs se démarquent néanmoins, portés par des perspectives de croissance à long terme.Sans oublier le potentiel retrouvé des obligations.

 

Après une année 2022 marquée par un quatuor infernal – inflation record, hausse des taux, guerre en Ukraine et crise de l’énergie –, l’économie mondiale se rapproche d’une récession généralisée selon la Banque mondiale, qui ne prévoit plus qu’une croissance de 1,7 % pour la planète en 2023, puis de 2,7 % en 2024.

« On anticipe un ralentissement marqué et généralisé, les prévisions étant revues à la baisse pour 95 % des économies avancées et près de 70 % des économies de marché émergentes et en développement », souligne le rapport de l’institut.

Plus optimiste, le Fonds monétaire international a revu à la hausse ses prévisions pour la progression du PIB mondial en 2023. Ainsi, la croissance pourrait finalement atteindre
2,9 %, soit 0,2 point de plus que les précédentes estimations d’octobre dernier.

Pour l’année 2024, en revanche, le FMI a de nouveau réduit de 0,1 % son pronostic
à 3,1 %.

Dans le détail, ces prévisions 2023 décrivent une croissance mondiale loin d’être répartie de manière homogène entre les grandes zones économiques du globe. Les pays avancés afficheront une croissance de seulement 1,2 % en 2023 contre 4 % pour les pays émergents et en développement. Aux États-Unis, le PIB progressera de 1,2 % contre seulement 0,7 % dans la zone Euro, l’Allemagne échappant de peu à la récession,
et la Chine verra son activité économique croître de 5,2 %.

Un horizon économique pavé de risques

Cette absence de consensus entre les grands instituts internationaux souligne combien le contexte économique est encore trop flou pour permettre une véritable lecture de l’activité économique dans les mois et années à venir. C’est pour cette raison qu’il est primordial de continuer à investir dans des portefeuilles diversifiés pour mitiger les risques.

Il est également essentiel d’épargner régulièrement en gardant à l’esprit qu’investir comporte des risques qui s’atténuent normalement avec l’horizon de placement,
c’est-à-dire sur le long terme.

Les risques sont multiples, avec en premier lieu un rebond de l’inflation. De l’aveu même des experts du FMI : « Nous sommes loin d’avoir gagné la lutte contre l’inflation »,
même si des premiers signaux émergent. Les resserrements des politiques monétaires
aux États-Unis et en Europe commencent à freiner la demande et la hausse des prix.
« L’inflation globale semble avoir culminé au troisième trimestre de 2022 », indique l’institution. Après une inflation de 8,8 % en 2022, le FMI prévoit 6,6 % en 2023 et 4,3 % en 2024.

La détermination des autorités politiques et monétaires de contrer l’inflation pourrait toutefois engendrer un effet boomerang. Une hausse trop importante des taux par les banques centrales provoquerait un recul de la consommation et une récession plus sévère au niveau mondial.

Le risque géopolitique apparaît aussi de toute évidence comme bien réel. Les spécialistes s’inquiètent en particulier d’un enlisement et d’un durcissement potentiel du conflit en Ukraine, ou bien encore de la détérioration des relations sino-américaines à propos de Taïwan. Moins en vue, mais aussi pointé du doigt par quelques économistes : le Japon.
Le pays du Soleil levant pourrait voir son économie déraper à la suite de l’abandon du contrôle de la courbe des taux par la banque centrale de l’archipel, la BoJ.

 

Une euphorie boursière surprenante

S’affranchissant de ces incertitudes, les bourses mondiales se sont envolées depuis le début du dernier trimestre 2022. Ce rallye boursier s’est même accéléré début 2023, propulsant les marchés actions vers des plus hauts. Le Cac 40 flirte ainsi avec son pic historique de 7 376,37 points en clôture.

Les marchés actions ont été portés à la fois par la réouverture de l’économie chinoise, une conjoncture moins mauvaise qu’anticipé en Europe et des anticipations de relèvement de taux plus modérées de la part des grandes banques centrales.

Les analystes de CPR AM estiment que ce rallye pourrait bénéficier d’un second souffle :
« Cette progression a été entretenue principalement par des flux acheteurs des gestions systématiques et les hedge funds. Si l’on considère qu’elle s’est faite sans les principaux acteurs (investisseurs institutionnels) leur retour aux affaires ne sera que positif et poussera à nouveau les performances à la hausse ».

Mais rien n’est pour le moment acquis : « Si ces investisseurs de long terme choisissent
de basculer vers un investissement obligataire, la hausse va se terminer, s’ils choisissent
de participer au rallye de peur de manquer la performance de l’année, alors elle continuera… », résume la note d’analyse de CPR AM.

Le dilemme pour ces investisseurs institutionnels sera d’autant plus insurmontable que les entreprises européennes, au moins les plus grandes, ont affiché leur résilience malgré un environnement difficile.

En plein débat sur le financement des retraites, les bénéfices record affichés par les leaders du Cac 40 n’ont d’ailleurs pas manqué de faire les gros titres, à l’image de TotalEnergies ou du secteur du luxe avec LVHM… Carrefour, STMicroelectronics ou Dassault Systèmes…
ont également dévoilé de solides résultats.

Ces résultats sont toutefois le reflet de la fin de l’année 2022. Depuis, les banquiers centraux ont répété que les taux directeurs devraient encore augmenter suffisamment pour lutter contre l’inflation et qu’il fallait attendre avant de les voir baisser.

Pour nombre d’opérateurs de marché, cette volonté de poursuivre les hausses des taux directeurs pourrait casser la dynamique boursière actuelle et engendrer une correction des marchés actions, estimée parfois à 15 %.

Rester liquide pour bénéficier d’actions à prix « cassés » pourrait finalement être la bonne stratégie face à un horizon incertain. La question n’est donc pas de savoir s’il faudra investir sur les marchés boursiers, mais plutôt avec quel timing.

La Chine redémarre et tire l’Asie

Le second point est d’identifier les meilleures opportunités d’investissement à moyen et long terme.

La hausse actuelle s’est surtout concentrée sur les valeurs délaissées et perdantes de 2022. Elle a donc peu impacté la valorisation des marchés et ne les a pas fragilisés contre des taux longs américains stabilisés autour de 3,5 %. Des opportunités existent bel et bien. Mais comme toujours, les investisseurs devront être sélectifs.

Alors que la croissance risque d’être anémique aux États-Unis et en Europe cette année, la Chine montre des signes de redémarrage. Avec le virage à 180° qu’a pris Pékin sur le Covid, en décidant de se réouvrir et de reprendre le chemin de la croissance, une fenêtre d’opportunités est grand ouverte.

« Selon nous, la flexibilité affichée durant le quatrième trimestre 2022 a placé la Chine sur une trajectoire de croissance en 2023, après trois années de stagnation et d’incertitude » estiment les experts de Robeco.

La réouverture de la Chine va plus généralement donner un coup de fouet à l’activité économique dans toute la région, non seulement en raison d’opportunités spécifiques, comme les actions des casinos, mais aussi grâce à la reprise des déplacements d’affaires et des voyages des touristes chinois.

« L’Asie offre un espace où les entreprises qui axeront davantage leur développement sur la consommation dans la région seront les gagnants à long terme et l’après-Covid n’est que le début » analysent les experts de Robeco, tout en ajoutant que « la chaîne de valeur technologique de l’Asie, portée par l’Internet des objets, la 5G et l’IA, reste elle aussi attractive, ainsi que certaines banques et sociétés financières en raison du redressement de la croissance des prêts ».

Avec un pays sorti de la déflation, les actions japonaises bénéficient d’une croissance des bénéfices des entreprises nippones qui a toujours été forte et structurelle. Cette tendance a toutes les chances de se prolonger encore de nombreuses années. L’Inde dispose également d’atouts.

Bien que les actions indiennes aient fini l’année 2022 en demi-teinte, le pays qui compte la plus grande population du monde n’a pas perdu en confiance étant donné qu’il est, au sein du G20, l’économie qui connaît la croissance la plus rapide, grâce aux importations de pétrole russe à bas prix. De plus, l’Inde a remporté d’importants contrats de fabrication à long terme avec Apple.

Les valeurs de la santé pour le moyen et long terme

Malgré des valorisations parfois élevées, les valeurs technologiques américaines demeurent des opportunités de choix pour les investisseurs souhaitant disposer d’une exposition sur le continent nord-américain.

Attention toutefois à ne pas être sur-exposé sur les valeurs technologiques. La hausse continue des taux d’intérêt pénalise ce secteur en jouant négativement sur leurs niveaux de valorisation. Dans le secteur des technologiques en Europe, des allègements de position pourront également être opérés sur des valeurs comme Atos ou STMicroelectronics.

Dans le cadre d’une approche sectorielle, les valeurs du secteur de la santé constituent un autre axe de diversification. Les domaines d’application sont en l’occurrence des plus variés. Les besoins dans la correction visuelle sont considérables à travers le monde. Environ 2,7 milliards de personnes ont une acuité visuelle insuffisante qui n’est pas corrigée.

Quant aux 2 milliards dont la vision est corrigée, ils ont régulièrement besoin de nouvelles paires de lunettes ou de lentilles de contact lorsque leur vision change. Toujours dans le secteur de la santé, l’obésité fait de plus en plus figure de cause mondiale. La population mondiale compte 750 millions de personnes obèses.

Dans les pays de l’OCDE, le traitement des maladies liées à l’obésité représente un budget annuel d’environ 425 milliards de dollars. Or actuellement, seulement 2 % environ des personnes obèses prennent des médicaments contre l’obésité.

L’intérêt des valeurs défensives réside aussi dans qu’elles sont généralement considérées comme défensives, c’est-à-dire que leurs performances financières sont peu affectées par l’évolution de la conjoncture économique.

Parmi ces entreprises, des leaders sont à la fois présents en Europe et outre-Atlantique avec des géants comme le français Sanofi, l’américain Pfizer, le danois Novo Nordisk ou encore les suisses Roche et Novartis.

 

La consommation durable au cœur des préoccupations

Les énergies renouvelables représentent un autre secteur porteur sur le long terme. Selon l’Agence internationale de l’Énergie (AIE), quelque 44 000 milliards de dollars seront investis dans les énergies renouvelables d’ici à 2050.

S’ajoutant au dérèglement climatique, la crise énergétique en Europe sur fond de tensions géostratégiques en Ukraine a accéléré les décisions d’investissements vers la transition énergétique.

À ce stade, plusieurs grands acteurs mondiaux de référence se distinguent, comme le groupe américain First Solar, le danois Vestas Wind, le canadien Canadian Solar ou encore le chinois Jinko Solar. La France a accumulé bien du retard en matière d’énergies renouvelables. Pour le rattraper, l’État a lancé en septembre 2022 le plan France 2030, doté de 54 milliards d’euros à investir sur cinq ans.

Outre TotalEnergies, Engie ou Air Liquide dans l’hydrogène…, de nouveaux acteurs émergent peu à peu comme Lhyfe, récemment introduit en bourse, et McPhy, tous deux égalementy spécialisés dans l’hydrogène. Albioma est pour sa part expert dans le solaire photovoltaïque et la biomasse tandis que Neoen se développe dans les centrales solaires et les parcs éoliens.

Mais le durable ne se limite pas aux énergies renouvelables. Pictet Asset Management a d’ailleurs annoncé début 2023 le lancement de Pictet-ReGeneration, fonds axé sur les actions mondiales d’entreprises contribuant à la transition vers l’économie régénérative.
Il cible les entreprises qui soutiennent une consommation moindre et plus durable des ressources naturelles. Cela inclut la réutilisation des produits aussi bien que la prolongation de leur durée de vie.

Des obligations de nouveaux attrayantes

Les marchés actions ne sont pas les seuls à générer de la performance. Avec la remontée tous azimuts des taux d’intérêts, les obligations sont de nouveau attrayantes, avec de meilleurs rendements et une volatilité attendue plus faible pour les actifs de la plus haute qualité. « Les obligations continuent selon nous d’offrir de solides perspectives, après la remontée des rendements en 2022 et alors qu’un ralentissement économique se dessine en 2023.

Aujourd’hui, les marchés obligataires offrent de multiples opportunités de construire des portefeuilles résilients présentant un potentiel attrayant aussi bien en termes de rendements que d’atténuation des risques baissiers » indiquent les analystes de Pimco.
À ce titre, les obligations d’entreprises pourraient afficher de belles performances en cas de récession très légère. En cas de désinflation, les titres du Trésor américain protégés contre l’inflation (TIPS) pourraient eux aussi briller.

« Nous conservons une opinion positive à l’égard des obligations adossées à des crédits hypothécaires ou MBS (mortgage-backed securities) d’agences américains. Il s’agit d’actifs de haute qualité, notés AAA et assortis de spreads relativement attrayants » ajoute Pimco.

Dans tous les segments obligataires, les taux se sont en réalité nettement redressés par rapport à leurs plus bas observés ces dernières années, offrant a priori des possibilités d’entrer aux investisseurs. Toutes les obligations n’offrent pas pour autant la même qualité. Les obligations d’entreprises de bonne qualité (IG) sont par exemple séduisantes et à privilégier, en raison de la bonne signature de leur émetteur, davantage que les titres à haut rendement (HY).

Panacher actions et obligations peut être opportun dans la période actuelle. Les investisseurs prudents pourront même attendre que le pic sur les taux des banques centrales, en particulier la Fed américaine, soit atteint, pour racheter le marché des actions dès le milieu de l’année. Une correction sur les marchés actions n’est pas à exclure à court terme.