Dysprosium, Yttrium, Néodyme, Scandium ne vous disent sans doute pas grand chose, mais ces métaux aux caractéristiques hors du commun sont de plus en plus utilisés dans de très nombreuses technologies modernes.
Ainsi depuis la fin du XXème siècle, ces différents métaux aux caractéristiques physico-chimiques particulières sont devenus indispensables dans de nombreux domaines industriels de pointe.
Si le Dysprosium a été identifié en 1886 à partir de sable de monazite, il a fallu attendre 1950 pour pouvoir l’isoler ; aujourd’hui, on le retrouve dans l’aéronautique, où associé à des alliages de magnésium, il augmente la dureté du matériau et facilité sa transformation. On le retrouve dans le domaine médical, où associé au plomb, il participe à la réalisation des tabliers de protection contre les rayons X.
L’Yttrium, découvert en 1789 sous forme d’oxyde, a été isolé pour la première fois en 1828. Il intervient principalement dans la fabrication de luminophores utilisés dans les téléviseurs ou les LEDs mais on le retrouve également dans les systèmes d’échappement automobile.
Le Néodyme est employé dans les moteurs électriques et les générateurs de certaines voitures hybrides, les générateurs d’éoliennes, dans les transducteurs des membranes de casques stéréo haut de gamme, comme catalyseur dans l’industrie du pétrole, ou comme traceur de l’activité des résidus de traitement des combustibles nucléaires usagés.
Une progression vertigineuse des produits stratégiques
Les terres rares correspondent à 17 métaux confidentiels et de plus en plus coûteux qui entrent dans les fabrications de haute technologie, et dont la Chine assure plus de 95 % de la production mondiale.
La demande structurelle constante pousse les prix à la hausse : à titre d’exemple le dysprosium coûtait un peu plus de 10 euros le kilogramme en 2003 contre plus de 320 en 2011 et 530 euros en 2013. Indispensables à certaines technologies, les terres rares sont devenues des produits stratégiques attisant la convoitise des industriels du monde entier.
> Interview de Florent Detroy,
expert en matières stratégiques et consultant pour MTL Index
Patrimoine Privé : Que représente ce marché en 2014 : volume de production, géographie de provenance, qualité des minéraux ?
F.D. : Le marché des terres rares est un marché presque confidentiel dans le monde des métaux. Alors que la production de cuivre a dépassé les 16 millions de tonnes l’année dernière, on produit à peine entre 100 000 et 110 000 tonnes de terres rares dans le monde. La grande particularité de ce marché, c’est que la production provient depuis 30 ans quasi exclusivement de la Chine. Mais depuis quelques années, avec l’augmentation constante de la demande mondiale et suite à la crise qui a frappé le marché en 2010, de plus en plus de sociétés minières se lancent dans les terres rares. Ainsi la Chine qui produisait près de 95 % des terres rares dans le monde jusqu’en 2012, ne devrait plus en produire que 90 % cette année. Après, le pays possède plusieurs avantages, dont des coûts de production assez faibles et près de 40 % des ressources mondiales, ce qui devrait permettre à Pékin de résister à la concurrence. En ce qui concerne la qualité, la Chine est capable de produire des métaux sous forme d’oxyde à des niveaux de pureté extrêmement élevés, allant jusqu’à 99,99999 %. Toutefois, c’est sur ce terrain que les pays occidentaux, comme les États-Unis notamment, tentent de concurrencer la Chine en essayant d’augmenter encore plus ce degré de pureté.
P.P. : Comment fonctionne ce marché ? Et comment est-il régulé ?
F.D. : Ce marché a longtemps été très opaque, notamment du fait de l’absence d’un marché organisé sur lequel pouvaient s’échanger ces terres rares. En prime, une importante part des approvisionnements de l’industrie provenait, et provient toujours, de mines illégales. La Chine a estimé récemment que cette production pouvait s’élever à près de 40 000 tonnes. Mais aujourd’hui le marché est en train d’évoluer, notamment parce que l’État chinois essaie de le reprendre en main. Ainsi une bourse d’échange a été mise en place à Baotou, le centre névralgique des terres rares en Chine. Cette bourse est présentée par l’État chinois comme un moyen d’accroître la transparence du marché. On peut aussi y voir un moyen pour lui de mieux connaître et contrôler le marché, car il a engagé en parallèle une guerre contre la production illégale de terres rares.
P.P. : Quelles sont les terres rares les plus recherchées ? Et les plus prometteuses ?
F.D. : Les terres rares les plus recherchées sont les terres rares qui sont utilisées dans des secteurs en forte croissance. Les terres rares sont utilisées dans 4 à 5 secteurs principalement : les aimants, les alliages, le polissage, la catalyse et la luminescence. Les taux de croissance par an de ces secteurs sont variables, de 4 % pour la catalyse à près de 10 % pour les aimants. Ces aimants, composés d’un alliage néodyme-fer-bore-dysprosium, sont la locomotive du marché des terres rares parce qu’ils sont essentiels à des marchés en très forte croissance, comme les turbines d’éoliennes, les smartphones ou les voitures hybrides. Ces terres rares sont d’autant plus recherchées qu’elles sont réellement rares. Si le néodyme est plutôt abondant, le dysprosium est lui extrêmement rare. Je pourrais aussi citer le terbium comme terre rare recherchée. En ce qui concerne les « promesses » de ces métaux, on peut parler du praséodyme. Cette terre rare a été l’objet de plusieurs innovations ou découvertes récemment. Il pourrait notamment être utilisé dans la réfrigération magnétique, technique qui, appliquée dans les frigos notamment, permettrait de réduire la consommation énergétique.
P.P. : Quelles sont les évolutions des prix depuis qu’on s’intéresse fortement à ces métaux ?
F.D. : Les prix augmentaient régulièrement depuis le début des années 2000, jusqu’en 2010. L’électronique grand public et l’automobile étaient, et sont toujours d’ailleurs, les deux grands secteurs à utiliser ces métaux, et leur progression et le perfectionnement technologiques entraînaient dans leurs roues la demande de terres rares. Puis est survenu la crise des terres rares en septembre 2010. L’arrêt des exportations chinoises de terres rares vers le Japon suite à un conflit géopolitique a provoqué une explosion des prix. Alors que la tonne de terres rares se négociait autour de 40 000 $ la tonne début 2010, elle atteint 350 000 $ en 2011. Aujourd’hui, les prix sont redescendus, mais restent plus élevés qu’en 2010. La grande évolution à venir, c’est la déconnexion des prix des terres rares. Certaines terres rares risquent de connaître une surproduction rapidement, à l’instar du lanthane, alors que les terres rares que j’ai mentionné plus haut vont probablement voir leur prix continuer à augmenter.
> Interview de Grégory Gautier,
directeur du négoce en terres rares pour MTL Index
Patrimoine Privé : Quelle est la spécificité de MTL Index ?
G.G. : MTL Index est la première société en Europe à proposer aux investisseurs particuliers d’investir sur les métaux stratégiques. Mais au-delà de cette offre, nous voulons devenir le premier fournisseur de terres rares du marché européen, investisseurs et industriels compris. Pour ce faire, nous avons participé fin octobre au forum franco-chinois des PME organisé à Chengdu, dans le cadre du cinquantenaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine. Lors de ce forum nous avons signé un accord cadre de fourniture exclusive en terres rares du marché européen avec les autorités chinoises. Signé sous l’égide de Jean-Pierre Raffarin, personnalité éminemment connue et respectée en Chine, nous sommes en bonne voie de devenir l’acteur de référence pour les particuliers et les industriels en termes de fournitures de terres rares en Europe. C’est pourquoi nous étendons notre présence en Europe. Après l’Espagne, la Suisse, la Russie et la Suède, nous allons ouvrir un bureau en Italie cette année.
P.P. : Que proposez vous aux investisseurs particuliers ?
G.G. : Nous proposons aux investisseurs de diversifier leur portefeuille et patrimoine à travers l’achat d’un stock physique de terres rares et de métaux stratégiques. La composition de ce stock est déterminée avec l’investisseur particulier, en fonction de ses moyens et de ce qu’il attend d’un tel investissement.
P.P. : Comment s’effectuent les opérations d’achat et de vente ?
G.G. : L’opération est très simple. Nous achetons pour le compte de notre client les métaux souhaités. Le client reçoit un certificat de propriété et de stockage de ces métaux. Avec cet acte de propriété, il peut les revendre à tout moment, sans même nous consulter. Nous conseillons toutefois de conserver ces actifs entre 3 et 5 ans. Le délai d’attente pour la revente n’excède pas quelques jours.
P.P. : Où sont stockés les métaux ? Quel coût cela représente-t-il ?
G.G. : Nous stockons les métaux dans deux entrepôts sous douane, à Francfort et à Zurich. Notre entrepôt allemand en particulier est un ancien bunker de la seconde guerre mondiale, avec des murs de 4 mètres d’épaisseur. C’est idéal pour leur conditionnement. Le coût de stockage s’élève à 2 % les deux premières années, puis 1,5 % ensuite. Avec le développement de nos relations avec les producteurs chinois, nous avons l’intention à termes de créer un stock en Chine.
P.P. : Comment évolue ce marché en période crise économique ?
G.G. : Notre offre s’adresse spécifiquement aux investisseurs particuliers qui veulent traverser ces périodes de crise. Les marchés actions sont particulièrement volatiles depuis 2008, l’immobilier est de plus en plus aléatoire et l’or a profondément déçu les investisseurs depuis 2013. Investir dans les métaux stratégiques, c’est une façon de diversifier son patrimoine et d’investir dans l’avenir à travers une série de technologies, de la voiture électrique à la turbine d’éolienne.
P.P. : Que conseillez-vous à un particulier pour un premier investissement dans ce type de produits ?
Nous recommandons aux investisseurs de placer en général entre 10 à 15 % de leur fonds en métaux stratégiques. La somme de départ pour investir sur ces métaux est de l’ordre de 15 000 €.