Placement plébiscité par les Français, les fonds en euros représentent encore 70% de la collecte de l’assurance-vie et 80% de son encours. Mais face à des taux de rendements peinant à compenser l’inflation, les épargnants doivent réagir. Avec les nouveaux fonds eurocroissance ou le nouveau PER… les compagnies d’assurance et les pouvoirs publics multiplient les alternatives. Mais sont-elles crédibles ?

Encore cinquante points de base de perdus. Pour le cru 2019, la chute de la rémunération des fonds en euros s’est accélérée, avec un taux moyen tombé à 1,2 % contre 1,7 % en 2018, avant prélèvements sociaux de 17,2 %. Pour mémoire, leur rendement moyen était de 1,80 % en 2016, 2,30 % en 2015, 2,50 % en 2014 et 2,80 % en 2013. Et pour les nostalgiques, il dépassait les 4 % avant 2005. Ce dernier coup de rabot ne devrait manquer de satisfaire les autorités de tutelle de l’assurance, les compagnies d’assurance-vie se voyant contraintes de freiner leur collecte sur leurs fonds en euros, prises en tenaille entre des taux d’intérêt négatifs, leur solvabilité et leur rentabilité.

À l’automne dernier, le vice-président de l’ACPR, Bernard Delas, avait déclaré « priorité absolue » la baisse des rendements offerts par le fonds en euros. François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, avait pour sa part renchéri en appelant
« les organismes d’assurance à amplifier leurs efforts dans deux directions : la baisse des taux servis et la diversification des produits et du modèle d’affaires. »

L’érosion de la rémunération des fonds en euros a toute les chances de se poursuivre dans les prochaines années dans un environnement de taux appelés à rester durablement bas, voire négatifs. C’est une conséquence des programmes d’assouplissement quantitatif mis en œuvre par la Banque Centrale européenne (BCE) entre 2011 et 2018 et d’un taux principal de refinancement qui a atteint le plancher de 0 % en mars 2016. Dans cet environnement inédit, le rendement des OAT françaises à 10 ans est passé en territoire négatif depuis fin juin 2019. Pis, aujourd’hui, les courbes de taux sont plates ou inversées, avec des taux d’intérêt à court terme se rapprochant ou dépassant ceux à long terme.
Et au regard de la conjoncture mondiale, avec une croissance molle et un commerce international en perte de vitesse, sur fond de guerre des tarifs douaniers, rien ne milite pour un redécollage de l’activité économique et des taux d’intérêt.

 

Le seuil de 1 % de rendement a cédé

Dès le début de la période de publication des rémunérations des fonds en euros, le message des compagnies d’assurance-vie a été sans ambiguïté. Aviva a annoncé un taux minimum net de frais de 1 % et Allianz un rendement de 1,2 % après 1,55 % en 2018. Côté banque, la Société Générale a dévoilé une rémunération de 1,35 % pour 2019, mais selon l’encours du contrat, ce taux moyen pourrait osciller entre 0,90 % et 1,38 %. La barre de
1 % pourrait donc être franchie. Du côté des associations d’épargnants et les mutuelles, le choc est moins rude pour les souscripteurs, leurs rendements étant globalement compris entre 1,5 % et 2 %. Ainsi, le fonds en euros du contrat de l’Afer rapporte 1,85 % en 2019 contre 2,25 % en 2018. Et Gaipare est l’un des rares acteurs du marché à préserver le seuil des 2 %, à 2,15 %. La GMF servira un très honorable taux de 1,9 % et la MAAF de 1,75 %. Face à ces fonds en euros « classiques », composés en moyenne de 80 % d’obligations, les fonds euros « immobilier » ont continué à se distinguer. Bien qu’en repli de 0,40 %, le fonds Sécurité Pierre Euro de Sérénipierre, investi à 78,8 % en immobilier, a délivré en 2019 un rendement de 2,8 %, tandis que le fonds Innovalia de Generali a proposé du 2 %. Mais face à la difficulté pour les gestionnaires de ces fonds d’investir à des prix raisonnables des flux importants de collecte nette, l’ouverture à la souscription de ces fonds a été limitée, faisant des fonds en euros immobiliers une denrée rare.

Doper ses rémunérations avec une dose d’immobilier et d’actions

Pour booster la performance de votre assurance-vie, les alternatives se multiplient. Au-delà des obligations, les fonds en euros « nouvelle génération » misent de plus en plus sur la diversification de leurs actifs, avec en particulier des poches actions. Les fonds en euros diversifiés ont bénéficié des bonnes performances des marchés financiers en 2019. Le fonds en euros dynamique du contrat d’assurance-vie Target+ de Primonial a rapporté 3.15 % en 2019. Chez Generali, le fonds en euros Elixence a même vu sa rémunération progresser à 2 % contre 1,44 % en 2018. Avant d’investir dans les fonds euros diversifiés leur mode de fonctionnement doit toutefois être bien compris. Si la garantie du capital est bien réelle, elle ne prévaut qu’en contrepartie d’un blocage des avoirs durant plusieurs années. C’est seulement au terme de cette période de blocage que la garantie du capital sera assurée.

Ces dernières années, pour octroyer un surcroît de rémunération sur leurs fonds en euros, les compagnies d’assurance incitent de plus en plus leurs clients à investir parallèlement une partie de leur capital en unités de compte. Selon la part investie en UC, la bonification sur le fonds en euros est ainsi plus ou moins conséquente. Si le taux moyen des fonds en euros de Swiss Life s’établit à 1 % en 2019, il peut être porté jusqu’à 2,5 % en fonction de la part investie en unités de compte. Cette part en UC varie sensiblement entre les compagnies.

La mutuelle Carac sert un taux de 2.2 % sur son contrat d’assurance-vie multisupport Carac Profileo, à condition de verser au moins 25 % en unités de compte. L’Afer demande pour sa part un minimum de 30 % d’unités de compte pour les nouveaux investissements de plus de 100 000 euros.

Chez AG2R La Mondiale, il faudra investir au minimum 35 % en unités de compte pour accéder au fonds en euros et 45 % si le versement est supérieur à 250 000 euros.

Le fonds eurocroissance « newlook » devra convaincre

Face à la décrépitude des rendements des obligations et des fonds en euros, Bercy a par ailleurs décidé de remodeler le fonds euro-croissance, situé à mi-chemin entre le fonds
en euros et les unités de compte. Depuis son lancement à 2014, il n’est pas reçu le succès escompté auprèsdes épargnants. À fin 2018, l’euro-croissance ne pesait que 2,5 milliards d’euros sur les plus de 1 700 milliards d’euros d’encours en assurance-vie. Son manque de lisibilité a largement été mis en cause, alors que la garantie en capital ne s’exerce qu’après une durée de blocage des capitaux de 8 ans ou 10 ans. Les fonds eurocroissance n’ont pourtant pas démérité en 2019. Le fonds Eurocroissance Excelium d’Axa a offert une performance de 3 % sur 2019.

Pour gagner en lisibilité, la nouvelle mouture prévoit notamment par la fusion des deux composantes initiales du produit, la « provision mathématique », qui permet de garantir le capital, et la « provision de diversification », qui permet d’investir dans des actifs risqués, deviennent la « provision de diversification ». Cette provision est exprimée en euros. Bercy instaure également une harmonisation des règles contractuelles concernant les niveaux de garantie, compris entre 80 et 100 % du capital. Le décret remodelant le fonds euro-croissance est entré en vigueur au 1er janvier 2020 dans le cadre de la loi Pacte.

La garantie en capital nette de frais n’est d’ailleurs plus proposée que dans la moitié des contrats commercialisés, selon l’association de consommateurs CLCV. En d’autres termes, la moitié des détenteurs d’assurance-vie ne sont plus certains de ne pas perdre d’argent avec leur fonds en euros, et pourraient se retrouver in fine avec un montant inférieur à leur mise initiale. En effet, certains organismes garantissent désormais un capital brut de frais de gestion, et non plus net de frais de gestion, pour leurs fonds en euros. Ces frais de gestion annuels prélevés sur l’épargne investie en fonds en euros peuvent ainsi varier
0,2 % à 1 % de l’épargne investie. Leur présence est d’autant moins perceptible que les rendements sont annoncés nets de ces frais.

Or avec des rendements anémiques, la surveillance de ces frais est devenue de plus en plus stratégique pour les épargnants pour limiter leur perte de pouvoir d’achat. Pour 2019, l’OCDE a en effet calculé un niveau d’inflation de 1,1 % et la Banque de France de 1,3 % (les critères de calcul ne sont pas les mêmes). Les rendements des fonds en euros, eux, étant à 1,2 % pour 2019, les épargnants se sont tout juste préservés de la hausse des prix. Mais si en plus d’avoir à composer avec la faiblesse des taux d’intérêt, il faut se méfier des frais de gestion, les chances de gains seront réduites à leur portion congrue, voire impossibles. Avec une inflation prévue à seulement 1 % en 2020, la vigilance sur les frais devra rester de mise pour les souscripteurs.

Le nouveau PER concurrent ou complémentaire de l’assurance-vie ?

Pour les épargnants, les nouveaux Plans épargne retraite introduits par la loi Pacte pourraient représenter une alternative. Également pourvu de confortables avantages fiscaux, le PER laisse en plus envisager des espérances de rendement plus élevées à long terme. Déjà commercialisés depuis l’automne 2019, la loi ayant fixé leur date d’entrée en vigueur à janvier 2020, les premières annonces des assureurs semblent souligner un certain engouement pour le PER. Alors qu’Aviva France a lancé mi-novembre un PER individuel, qui remplace le Perp (Plan d’épargne retraite populaire) et contrats Madelin, 10 000 clients y avaient déjà souscrit à la mi-janvier 2020. Sur les antennes de BFM TV, Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, indiquait parallèlement que le nouveau PER déployé le 1er octobre avait démarré fort, 84 000 plans épargne retraite ayant été ouverts entre le 1er octobre dernier et le 31 décembre.

Au rang de ses avantages, le PER permettra également non plus simplement de sortir en rente à l’heure de la retraite, comme dans les anciens plans d’épargne retraite mais offrira aussi la possibilité de récupérer l’intégralité de son capital. Le PER doit s’articuler en réalité autour de trois produits distincts, au-delà du seul PER individuel dont la vocation est de remplacer progressivement le Perp et le contrat Madelin qui ne sont plus proposés depuis le 1er octobre 2019. Le PER d’entreprise collectif remplace pour sa part le Perco et le PER d’entreprise obligatoire succède aux contrats article 83.

 

L’Assurance-vie multisupport mise sur la diversification

Pour dégager de la performance, nombre de professionnels estiment que c’est toujours et encore dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes. Les contrats multisupports permettent ainsi déjà de répondre à toutes les attentes des épargnants, en s’appuyant d’un côté sur les fonds en euros pour la sécurité (mais désormais sans performance) ou les fonds euros « nouvelle génération » (dynamiques ou les fonds euro bonifiés à venir) et d’un autre côté les unités de comptes pour tenter de doper son rendement. Un des atouts des UC est en effet la diversification. À côté du fonds en euros, il est possible d’investir dans des supports en actions ou immobilier…, potentiellement plus performants. Chaque fonds aura ainsi un objectif bien identifié.

Au moment de choisir son assurance-vie multisupports, il est ainsi vital d’opter pour les contrats disposant d’une gamme d’unités de compte étendue, que le souscripteur soit en capacité de comprendre. Disposer de plusieurs dizaines de fonds suffisamment diversifiés pour bénéficier d’un large spectre d’investissement est un atout. Il faut également disposer d’un bon support en euros. Quel que soit le type de support proposé, il est ainsi conseillé d’analyser son historique de performance. Plusieurs styles de gestion doivent en outre être proposés pour s’adapter aux cycles des marchés financiers. Chaque épargnant pourra ainsi répondre à ses objectifs d’investissement en fonction de son horizon de placement. Entend-il préparer sa retraite, financer les études de ses enfants, valoriser un capital ou préparer sa succession…

Jouer la sécurité avec la gestion pilotée

Une fois sélectionné son contrat, l’épargnant pourra répartir ses versements entre les différents OPCVM proposés par la compagnie. Puis en cours de contrat, il pourra modifier cette répartition comme il l’entend. Les contrats en unités de compte garantissent ainsi une grande souplesse de gestion. Les plus téméraires pourront privilégier les actions… À l’inverse, les épargnants les moins avertis pourront se libérer de tout souci de gestion avec des fonds flexibles ou structurés… Pour la sécurité, vous aurez par exemple la possibilité de conserver 80 % des actifs sur le fonds en euros de votre contrat, tout en jouant la diversification sur les 20 % restants.

Boursorama vient d’ailleurs d’enrichir son offre d’assurance-vie avec 3 mandats de gestion 100 % ISR pilotés par la société de gestion Sycomore AM. Lancée en octobre 2009, la gestion pilotée de Boursorma, cette fois conseillée par Edmond de Rothschild AM, a enregistré sur l’exercice 2019, des performances de respectivement 8,12 % pour l’allocation défensive, 12,56 % pour l’équilibrée, 14,04 % pour la réactive, 16,87 % pour la dynamique et 20,08 % pour l’offensive. « Dans un contexte inédit pour l’épargne des Français impactée par la faiblesse et la persistance de taux bas, les clients veulent continuer à allier rendement, bon niveau de protection tout en donnant du sens à leurs placements » résume Benoît Grisoni, directeur général de Boursorama. Les épargnants sont de fait à la recherche de nouvelles formules pour rémunérer leur épargne sans avoir à prendre des risques inconsidérés !