Avant d’investir dans les SPAC, ces coquilles vides cotées qui se remplissent avec des acquisitions de sociétés opérationnelles, il convient de bien étudier les conditions de remboursement et les ambitions de leurs promoteurs.
Adios les IPO, place aux SPAC ? Apparues en 1993 à Wall Street, les SPAC (Special purpose acquisition company) s’imposent aujourd’hui comme l’outil le plus simple et le moins cher pour coter une entreprise en Bourse.
Ou pour lancer une OPA sur une société cotée. L’an dernier, 248 SPAC ont levé 83 milliards de dollars, soit 45 % du total des fonds levés par les IPO américaines. Pour le premier semestre de cette année, la cote new-yorkaise en compte désormais 306, pour un total mondial de 379 SPAC ou 110 milliards de dollars récoltés.
Le Vieux Continent n’est pas en reste, avec les places d’Amsterdam et de Londres en tête du peloton, ou 21 de ces véhicules ont levé 5,4 milliards de dollars.
À Paris, la formule de ces structures créées pour une cotation boursière accélérée et étrennée par Mediawan en 2016, séduit les plus grands noms du capitalisme tricolore, même de très grandes entreprises comme Tikehau Capital ou Accor « sponsorisent »
leur structure destinée à lever des fonds contre des actions pour procéder à une acquisition avant une date limite de un ou deux ans.
Désormais, le palais Brongniart en compte 21, tels que Odyssey Acquisition, 2MX Organic, Transition, DeeTech, I2PO (…), essentiellement cotées sur le compartiment professionnel d’Euronext, réservé aux investisseurs aguerris.
Ces coquilles vides doivent leur succès à plusieurs facteurs. En premier lieu, le contexte actuel de taux plats et l’afflux de liquidités encouragent l’innovation pour trouver du rendement.
Ensuite, leur absence d’activité opérationnelle facilite et réduit les formalités d’admission sur un compartiment de marché puisque la certification des comptes est simplifiée et le prospectus, qui livre une description exhaustive de l’entreprise, réduit à sa plus simple expression.
Ce qui allège d’autant les coûts d’une telle opération… qui dans la formule classique de l’IPO peut absorber jusqu’à 7 % des fonds levés, avec un minimum d’au moins un million d’euros à Paris, dont plus de la moitié pour la rédaction des documents destinés aux investisseurs et visés par l’AMF.
Cette IPO simplifiée ou low cost repose aussi sur la vista de ces « sponsors » ou promoteurs.
À Paris, comme ailleurs, beaucoup ont fait leurs preuves dans les activités où ils promettent d’investir : Olivier Brandicourt, l’ancien patron de Sanofi, Jean Raby, ex Natixis, et Michel Combes, patron de SoftBank Group International et auparavant à la tête d’Alcatel Lucent, se sont associés dans Odyssey Acquisition avec deux banquiers d’affaires, les frères Zaoui.
Ils visent des pépites innovantes dans la santé, les télécoms et la high tech.Jean-Pierre Mustier, Tidjane Thiam (ex Crédit Suisse), Sergio Ermotti (UBS), liés à Tikehau et la Financière Agache (Bernard Arnault) dans Pegasus Europe ont levé 500 millions d’euros pour des cibles dans les services financiers.
Quant à Xavier Niel et Matthieu Pigasse, ils affectent 2MX Organic à la consommation durable avec 300 millions de dotation.
De son côté, Accor Acquistion Company, compte développer la présence de sa maison-mère dans des activités connexes à son cœur de métier : hôtellerie, restauration, événementiel, etc.
Du coup, l’un des critères majeurs pour sélectionner un titre revient en force : celui de la qualité du management de l’entreprise, sa vision et sa capacité à tenir ses promesses.
D’où le risque de signer un chèque en blanc aux sponsors des SPAC. L’absence de track record de la plupart de ces véhicules incite à décortiquer avec le plus grand soin leurs ambitions, projets et méthodes pour atteindre leurs objectifs. Paris frissonne encore au souvenir d’ex grands patrons, comme Pierre Moussa ou Jean-Maxime Lévêque, auteurs de bouillons retentissants.
Habitués au pilotage par temps calme de supertankers des affaires, ils ne purent se muer en entrepreneurs louvoyant entre les récifs… et responsables des deniers qui leur étaient confiés. De même, leur rémunération doit elle aussi être scrutée de très près. D’abord parce qu’ils sont rémunérés en titres et options.
Ensuite parce que le risque de dilution des nouveaux actionnaires après acquisition est bien réel. Attention également aux clauses de lock up ou de temps de détention minimale des titres cédés par les animateurs du SPAC. Reste un dernier risque : celui d’éventuels conflits d’intérêts entre certains fonds de private equity qui voient dans ces SPAC une porte de sortie rapide, et à moindre coût, pour certaines de leurs participations.