Transmettre un patrimoine ne s’improvise pas.
Pour éviter les risques de futurs contentieux entre héritiers… et alléger des droits de succession souvent loin d’être indolores, il est préférable de privilégier l’anticipation. Petit guide des bonnes pratiques à mettre en œuvre afin d’optimiser sa succession.

 

Pourquoi abandonner une partie de son patrimoine au fisc et ne pas profiter pleinement des abattements prévus par la loi ? En préparant à l’avance sa succession, il est également possible d’organiser la répartition de son patrimoine, notamment dans le cas de familles recomposées pour lesquelles le cadre légal n’est pas toujours totalement adapté. Il convient en effet de bien garder à l’esprit que les conjoints et les enfants sont les principaux bénéficiaires d’une succession à travers la loi.

Ainsi, si un défunt laisse un conjoint survivant et que le couple avait uniquement des enfants communs, le survivant peut choisir entre l’usufruit (usage des biens, perception des revenus) de la totalité des biens existants ou la propriété du quart de ces biens. Si le défunt laisse également des enfants autres que communs, le conjoint n’a plus le choix et recueille le quart des biens. Dans le cas où le défunt ne laisse pas d’enfant, mais ses père et mère, chacun d’eux recueille un quart des biens de la succession, tandis que le conjoint hérite de la moitié restante. Le conjoint hérite des trois-quarts des biens s’il ne reste qu’un seul parent. Le conjoint hérite par contre de tout si le défunt ne laisse pas d’enfant, mais des frères et sœurs ou leurs descendants (on parle de collatéraux) ou s’il laisse des grands-parents, arrières grands-parents, ou des oncles, tantes, cousins…

Ces règles légales peuvent toutefois être aménagées. Grâce à la donation au dernier vivant, les droits du conjoint survivant peuvent être améliorés.

Le conjoint survivant peut alors profiter d’une quotité disponible élargie dite spéciale en présence d’enfants.

Le survivant peut ainsi choisir entre :
– la quotité disponible ordinaire (1/2 1/3 ou 1/4 en fonction du nombre d’enfants),
– 1/4 en pleine propriété et 3/4 en usufruit,
– la totalité des biens en usufruit.

A l’opposé, un époux peut déshériter partiellement ou totalement son conjoint par testament. D’autres aménagements sont possibles comme
dans le cas déjà mentionné d’un défunt qui ne laisse pas d’enfant, mais des frères et sœurs. Si le défunt avait reçu des biens de ses parents par succession ou donation et que ces biens existent toujours à son décès, ces derniers sont partagés par moitié entre le conjoint et les frères et sœurs. Il est ainsi possible de supprimer ce droit grâce à la donation au dernier vivant ou à un testament.

Enfin, il convient d’être conscient qu’être pacsé ou vivre en union libre n’ouvre pas les mêmes droits que le mariage. Le partenaire ou le concubin n’est de fait pas un héritier légal. Pour hériter, il doit être bénéficiaire d’un testament. De plus, si le défunt lui a laissé des biens par testament, cette part ne doit pas dépasser le montant de la quotité disponible en présence d’enfants.

Par ailleurs, si le défunt n’était pas marié, les héritiers sont dans l’ordre :
– les enfants et leurs descendants,
– les père et mère ; les frères et sœurs et les descendants de ces derniers,
– les ascendants autres que les père et mère,
– les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers.

Avec un petit détail, non dépourvu d’intérêt : l’héritier le plus proche en degré de parenté hérite et exclut les autres.

 

Accroître la protection du conjoint survivant

Si le conjoint survivant est désormais mieux protégé que par le passé, le contrat de mariage permet d’accroître sa protection.

Mais pour cela, il faut adopter le régime de communauté universelle avec attribution intégrale au survivant, plutôt que celui de la communauté réduite aux acquêts.

Le survivant bénéficiera en effet toujours de la détention et de la jouissance de l’intégralité du patrimoine du conjoint disparu.

A noter : ce dispositif n’est toutefois conseillé que si tous les enfants sont communs. Dans le cas contraire, les enfants se sentant laissés peuvent engager une procédure en justice, nommée action en retranchement….

Pour protéger son conjoint, les donations au dernier vivant sont également à étudier, tout comme la souscription d’un contrat d’assurance-vie.

En effet, en dehors de tous versements exagérés, l’assurance-vie n’entre de fait pas dans la succession.

Remarque : dans le contrat, il convient toutefois de stipuler que le capital est destiné au conjoint « non divorcé, non séparé de corps ».

L’avantage de l’assurance-vie réside également dans l’absence de droit de succession à payer.

 


> Mieux connaître l’épargne salariale

Plus d’un actif salarié sur 4 bénéficie d’au moins un dispositif d’épargne salariale, représentant plus de 117 milliards d’euros d’encours et concerne plusieurs millions de salariés. L’AMF a souhaité mettre à disposition des particuliers des informations permettant une meilleure connaissance et maîtrise de ce dispositif qui reste encore insuffisamment maîtrisé d’autant plus que l’année 2016 va être marquée par des évolutions consécutives à la loi Macron. Cette dernière instaure de nouvelles règles sur l’affectation de l’intéressement, désormais versé par défaut sur le plan d’épargne salariale. Pour aider les épargnants, l’AMF a fait réaliser une étude par TNS Sofres sur le comportement des Français en matière d’épargne salariale, précisément via le PEE (plan d’épargne entreprise) et le PERCO (plan d’épargne pour la retraite collectif).
Cette étude montre que plus de 1 actif salarié sur 4 bénéficie d’au moins un dispositif d’épargne salariale. Le plan d’épargne entreprise (PEE) est plébiscité majoritairement (23 % des salariés), et le plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO) concerne 9 % des salariés. Les montants souscrits sont évalués à 11 900€ en moyenne, ils s’élèvent à moins de 3 900€ pour la moitié des détenteurs, tandis que 20 % d’entre eux déclarent des sommes de plus de 15 000€. Le taux de détention d’épargne salariale est de 48 % dans les entreprises de plus de 500 salariés, il atteint 11 %
dans celles de moins de 50 salariés.


 

Frédéric Poilpré, 

Directeur de l’ingénierie patrimoniale chez Société Générale Private Banking, décrypte pour patrimoine privé les principales stratégies pour réussir sa succession

 

1 – Donation de son vivant

Quelle que soit la valeur d’un patrimoine, sa transmission répond globalement aux mêmes grandes inquiétudes, réflexions mais également souvent aux mêmes solutions. Après, l’impact en termes de coûts est naturellement différent. Mais dans tous les cas, la transmission d’un patrimoine nécessite de l’anticipation et il est préférable de prévenir plutôt que de guérir. C’est le meilleur moyen de réussir sa succession à la fois fiscalement et juridiquement en atteignant ses objectifs.

De son vivant, il est possible de donner à ses enfants 100 000 euros tous les quinze ans, en totale exonération des droits de donation. Chaque parent a cette opportunité. Pour des patrimoines importants, de plusieurs millions d’euros, ce seuil apparaît toutefois limité. Au regard de la progressivité du barème d’imposition, il ne faut pas s’interdire d’effectuer des dons dépassant les 100 000 euros. La charge fiscale reste limitée, en tout cas pour les premières tranches.

En dessous de 552 324 € transmis par enfant, la tranche marginale applicable est de 20 % par exemple. De ce fait, en l’absence de donation au cours des 15 dernières années, une donation de 652 324 € entraîne un coût moyen de 16 %.

Dans le cas d’une donation de son vivant, il est vital de bien calibrer les montants transmis, surtout avec l’allongement de l’espérance de vie. Car comme l’expression consacrée le stipule : « donner et retenir ne vaut » et, dit autrement « donner c’est donner et reprendre c’est voler ».

Dans le cas d’une donation à une fratrie, le recours à un notaire est également vivement conseillé. Les notaires sont de fait les seuls habilités à réaliser des donations-partages qui permettent de figer la valeur du patrimoine transmis. C’est la meilleure façon d’éviter les contestations et problèmes entre héritiers lors du rapport civil effectué lors de l’ouverture de la succession.

 

2 – Cession d’actifs : pensez à la donation avant cession

Pour les dirigeants d’entreprises par exemple, il est souvent plus judicieux de procéder à la donation de titres aux enfants préalablement à la vente plutôt que de réaliser l’opération inverse. A savoir, vendre puis donner. Situation où les 2 impôts sont dus, impôt de plus-value puis droit de donation, avec, in fine, un patrimoine net transmis aux enfants plus faible. En effet, si vous donnez d’abord vos titres à vos enfants, vous n’avez à acquitter que les droits de mutation, qui sont de surcroît généralement moins élevés que l’impôt sur la plus-value. Une fois la donation réalisée, les enfants vendent ensuite les titres en même temps que ceux encore détenus par leurs parents. Si les titres donnés sont cédés pour le même montant, les enfants ne seront donc redevables d’aucune imposition. La donation a ainsi réactualisé le prix de revient dans leurs mains et purgé tout l’historique de plus-value. Comme ces opérations permettent in fine de transmettre une partie de son patrimoine dans de bonnes conditions, elles sont de facto très encadrées. Il faut donc veiller à bien respecter les conditions requises au risque d’être requalifié pour abus de droit fiscal. Le timing de la vente est notamment crucial. La donation doit intervenir avant que la vente soit considérée comme parfaite juridiquement. De plus, le donateur ne doit pas se réapproprier les fonds transmis aux enfants. A noter que cette technique de la « donation avant cession » fonctionne sur toutes les classes d’actifs : parts de SC, immeuble… et que son effet est plus important sur des actifs avec de grosses plus-values latentes.

 

3 – Le démembrement de propriété

Pour diminuer le poids du patrimoine soumis aux droits de succession lors de la succession, le démembrement de propriété est également une solution à explorer. Il consiste à transmettre de son vivant la nue-propriété à ses enfants et de s’en réserver usufruit. Cette formule permet ainsi de préparer sa succession tout en s’assurant de conserver la jouissance du bien et des revenus associés. Par ailleurs, les valeurs respectives de la nue-propriété et de l’usufruit d’un bien étant fonction de l’âge du donateur au jour de la donation, la valeur de l’usufruit baisse en même temps que l’âge du donateur augmente. Entre 51 ans et 61 ans révolus par exemple, l’usufruit et la nue propriété s’élèvent ainsi à 50 % de la valeur du bien. De ce fait, un bien valorisé 200 000 € peut ainsi être transmis globalement sans droits (50 % de 200 000 € correspondant à l’abattement de 100 000 €). D’autant qu’au décès de l’usufruitier, les enfants deviennent pleins propriétaires sans avoir de droits supplémentaires à acquitter. Dans notre exemple, seul 50 % de la valeur du bien aura été taxée aux droits de donation.

4 – La donation partage transgénérationnelle

Avec l’allongement de la durée de vie, la donation-partage transgénérationnelle constitue un excellent outil de transmission de patrimoine allant au-delà de ses seuls enfants et englobant ses petits enfants. Cet outil ouvre la voie à un substantiel allègement fiscal puisque cela consiste pour les grands-parents à ré-allotir aux petits enfants tout ou partie d’un patrimoine déjà transmis à leurs parents. Cela permet ainsi de réaliser un saut de génération en matière de transmission. Si la donation initiale date de plus de quinze ans, aucun droit de donation n’est à régler dans cette réallocation du patrimoine. Seul le droit de partage de 2,5 % sera applicable. A noter que les droits de donation peuvent grimper jusqu’à 45 % au-delà de 1,8 millions d’euros par enfant et par parent.

 

5 – Assurance-vie et contrat de capitalisation

L’assurance-vie est également un excellent véhicule pour assurer la transmission de son patrimoine grâce à la rédaction de la clause bénéficiaire. Il est ainsi possible de multiplier le nombre de bénéficiaires des capitaux délivrés en cas de décès. Il est tout de même conseillé de veiller à respecter, par mesure de précaution, les règles dictées par le code civil concernant la part réservataire des enfants.
D’un point de vue fiscal, avant 70 ans, un abattement de 152 500 euros pour chaque bénéficiaire vient s’ajouter à l’abattement forfaitaire de 100 000 euros appliqué à toute donation entre parents et enfants. Il existe également une progressivité en matière de taxation de ces fonds transmis en cas de décès. De 152 500 € à 852 500 € (soit 700 000 €), le taux applicable aux fonds versés par bénéficiaire est de 20 % et de 31,25 % au-delà.
Il convient également de s’intéresser aux contrats de capitalisation en prévoyant de transmettre la nue-propriété à ses enfants de son vivant.
Situation plus contraignante pour les parents usufruitiers qui ne peuvent disposer que de la capitalisation du placement pour percevoir des revenus complémentaires mais qui est presque toujours plus intéressante en termes de coût de transmission par rapport à l’assurance-vie puisque les enfants sont nus propriétaires et qu’ils en retrouveront la pleine propriété au décès de l’usufruitier sans droits.
In fine, selon sa situation patrimoniale et familiale, chaque solution a ses avantages et ses inconvénients.

 

6 – La société civile

Une Société Civile est aussi une solution à explorer pour anticiper la transmission d’un patrimoine immobilier par exemple en prévoyant un cadre sociétal pour gérer ces actifs. D’une part, la division d’un patrimoine en parts sociales permet de donner des parts en franchise d’impôts allant jusqu’à 100 000 euros par enfant tout en évitant le régime de l’indivision en cas de donation directe de l’immeuble et donc également de prévoir une transmission étalée dans le temps.
D’autre part, la grande flexibilité dans la rédaction des statuts des SC est un atout majeur, le capital pouvant être attribué, par exemple, majoritairement aux enfants tandis que les parents peuvent être nommés gérants avec des pouvoirs très étendus et révocables à l’unanimité des voix, c’est aussi un moyen de prévoir le versement de revenus aux nus propriétaires des parts sociales si les titres sont démembrés, etc. Concrètement, la SC n’est pas un véhicule miracle, elle répond à un souhait d’organisation patrimoniale permettant d’éviter le régime juridique peu stable de l’indivision en cas de transmission à plusieurs enfants.