La crise sanitaire provoquée par le coronavirus menace l’économie mondiale d’une récession historique. Après la débâcle subie par les marchés financiers, les Sociétés Civiles de Placement Immobilier ou SCPI seront-elles les prochaines victimes ? Quels sont leurs atouts pour résister ?

 

La mise à l’arrêt de l’économie française constitue sur le papier un coup dur pour les SCPI, majoritairement dépendantes de l’immobilier d’entreprise ou tertiaire. Les stigmates de la crise du coronavirus sont toutefois encore difficiles à cerner. Entre un simple report des loyers, leur annulation sur l’ensemble du deuxième trimestre et le scénario noir de faillites en cascade touchant les locataires des SCPI…, l’addition variera du tout au tout. À ce stade, les gérants de SCPI se veulent plutôt rassurants, privilégiant le scénario d’un choc indolore ou presque. Signe de cette confiance et de leur solidité financière, l’appel d’Emmanuel Macron, relayé par l’ASPIM (Association française des Sociétés de Placement Immobilier), en faveur d’un geste de solidarité des bailleurs vis-à-vis des petites entreprises rattrapées par la crise, a été largement entendu. Nombre de sociétés de gestion des SCPI ont accepté de renoncer temporairement à une partie de leurs recettes, en suspendant les loyers des TPE et des PME en difficulté.

Les SCPI disposent de fait de solides atouts pour résister aux chocs conjoncturels ponctuels. Une de leurs forces tient à la diversification de leur parc immobilier. Contrairement à un particulier investissant en direct dans un meublé pour le louer par exemple à un étudiant, leur patrimoine est constitué d’une multitude d’actifs occupés par de multiples locataires, ce qui dilue les risques d’impayés…. Ces biens font en outre souvent l’objet d’une large diversification géographique, dépassant désormais pour certaines SCPI le seul territoire français, avec une exposition à l’échelle de l’Europe, en particulier en Allemagne.

Autre arme à l’actif des SCPI, le report à nouveau ou RAN. En cas de choc économique majeur, ces réserves financières accumulées au fil des ans pourraient être débloquées pour compenser une absence totale de loyers pendant plusieurs mois !

Des rendements à l’abri de la tempête boursière

En l’état actuel de la crise, une chute brutale des rendements des SCPI ne semble donc pas à l’ordre du jour. Mais même à supposer qu’ils puissent être divisés par deux, les SCPI continueraient à supporter la comparaison avec le livret A qui délivre un maigre 0,5 % ou les fonds en euros dont le rendement moyen dépasse encore pour le moment péniblement la barre des 1 %. En 2019, le rendement des SCPI a atteint 4,4 %, soit un peu au-dessus des 4,34 % de 2018. De plus, la valeur de la part a augmenté de 1,2 %, contre une hausse de 0,8 % en 2018. Tout n’est néanmoins pas rose au pays des SCPI. Leurs rendements n’ont pas échappé à l’érosion générale des rémunérations des placements financiers,
dans le sillage de la baisse des taux d’intérêt observée ces dernières années. Ils sont passés sous le seuil des 5 % depuis 2015. La rentabilité moyenne des SCPI était encore de 6 % en 2008 et 2009. Autre point important à garder en tête, il s’agit de rémunérations brutes, donc calculées avant impôt.

Bien que sujettes à une érosion de leurs performances ces dernières années, les SCPI ont aussi l’avantage de ne pas être sujettes à la forte volatilité des marchés financiers. Cela les différencie des actions… mais aussi des autres placements de la « pierre papier » comme les OPCI et les sociétés foncières cotées ou SIIC.

Très dépendantes de la Bourse, la performance globale des OPCI a ainsi atteint 5,4 % en 2019 mais seulement 0,8 % en 2018. Le bilan 2020 risque d’être encore plus décevant.
À la différence d’une SCPI, entièrement investie dans la pierre, un OPCI peut en effet intégrer des actifs financiers comme les actions, obligations, titres de créance… même si l’immobilier doit représenter plus de 60 % de l’encours. Et que dire des SIIC, à l’image du géant Unibail-Rodamco-Westfield, fortement dépendant des centres commerciaux, dont le cours a en début de crise brutalement dévissé de plus de 60 % à 52 euros. À la décharge des foncières, sur 40 ans, elles figuraient à la veille de la crise parmi les deux placements les plus attractifs avec une performance annuelle de 13 % juste derrière les actions (13,7 %), selon l’IEIF. La crise du covid-19 pourrait toutefois rebattre les cartes des placements les plus performants, y compris de long terme.

La composition des patrimoines immobiliers sous surveillance

Immunisées face aux fluctuations boursières, les performances des SCPI dépendront par contre de la composition de leur patrimoine. De fait, tous les secteurs de l’immobilier n’ont pas la même sensibilité face à la crise. À ce stade de l’épidémie, les SCPI exposées au secteur des bureaux semblent moins impactées que leurs homologues ayant privilégié les commerces. Le secteur résidentiel ou celui de l’immobilier de santé sont de la même manière plus protégés que celui de l’hôtellerie…

Mais globalement, le portrait-robot des SCPI appelle à un certain optimisme. Les bureaux sont leur principal actif. En 2019, ils représentaient 62,7 % du leur patrimoine des SCPI, en repli néanmoins par rapport à 2018 (64,1 %) et 2017 (68,5 %). Particulièrement touchés par la crise du coronavirus, les commerces représentent encore 12,1 % des actifs, en fort repli toutefois par rapport à 2017 (20,3 %). Autre victime, l’hôtellerie pèse pour sa part 4,2 %. Mais les SCPI sont de plus en plus diversifiées avec désormais 9 % de logistique, contre 1,7 % en 2017, mais aussi l’immobilier de santé qui atteint 7 % de leur patrimoine ou les résidences de services, passées de 0,7 % en 2017 à 4,1 %.

La sensibilité des SCPI à la crise tient également à la qualité de leurs actifs. Les SCPI ayant privilégié des stratégies « core », consistant à acheter les actifs les mieux placés dans les centre-villes des grandes capitales économiques, comme par exemple Paris et sa 1ère couronne, seront a priori moins affectées. La prise de conscience brutale des enjeux du digital et du télétravail devrait par ailleurs pousser les entreprises à rechercher des locaux neufs, équipés des dernières technologies, mais également en conformité avec les dernières normes environnementales, un moyen de réduire leur facture de chauffage… Tous les pays n’étant pas affectés aussi profondément par le coronavirus, la diversification géographique des SCPI pourrait aussi être un facteur différenciant. La proportion des actifs acquis hors de France a en tout cas progressé ces dernières années pour avoisiner les 30 % depuis 2017. L’Allemagne séduit tout particulièrement avec 48 % des investissements étrangers en 2019.

Des placements de long terme

Quel que soit leur type de patrimoine, les SCPI restent des placements de long terme. Leurs performances vont inévitablement varier à court terme, mais elles se redresseront avec la reprise. Les gouvernements et autorités monétaires sont mobilisés pour protéger les entreprises. À la seule échelle de la France, le plan d’urgence s’élève d’ores et déjà à 100 milliards d’euros. Mi-mars, la Banque centrale européenne a pour sa part dévoilé un premier plan d’urgence de 750 milliards d’euros pour tenter de contenir les répercussions
sur l’économie de la pandémie de coronavirus, via des rachats de dette publique et privée. En attendant, tant qu’un épargnant n’aura pas vendu ses parts, il sera préservé de la baisse de leur prix. Pour rappel, la durée de détention conseillée d’une SCPI est de 8 ans minimum à 15 ans.

À l’inverse, pour les épargnants à la recherche de valeurs refuges, il apparaît prématuré d’acheter des SCPI.

Le manque de visibilité concernant l’impact de la crise du coronavirus sur l’économie mondiale et l’immobilier appelle à la prudence. Des réévaluations du patrimoine des SCPI ne sont pas à exclure. Mais post-crise, pour revenir dans l’immobilier, les SCPI ont l’avantage d’être un investissement accessible à tous les budgets. Il suffit dans la plupart des cas de disposer de 500 ou 1 000 euros pour souscrire quelques parts de SCPI.
Autre atout, l’achat des parts de SCPI peut être financé par un emprunt contrairement à la majorité des placements financiers. L’investisseur bénéficie en l’occurrence de l’effet de levier du crédit qui permet de minimiser l’effort d’épargne. Cet effet de levier est d’autant plus profitable en période de taux historiquement bas. Cela permet en outre de maximiser le rendement de l’opération, d’autant que les intérêts d’emprunt sont déductibles des dividendes perçus. L’achat de SCPI peut également être réalisé dans le cadre de l’assurance-vie, ce qui permet de bénéficier de sa fiscalité avantageuse.