L’investissement socialement responsable a manifestement la cote. Les fonds estampillés ISR, éthiques, durables, TEEC… se multiplient. Pour les épargnants, difficile toutefois de s’y retrouver entre appellations marketing et labels certifiés. Patrimoine Privé vous guide pour miser sur les fonds réellement responsables, avec à la clé la perspective de bénéficier a minima de performances égales à celles des fonds gérés selon des critères purement financiers.
Risques de marché, risques liés à la réglementation, risque de réputation… les entreprises ne peuvent aujourd’hui ignorer les impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance dans leurs stratégies de développement. Il en va de leur pérennité. Chacun de ces risques ESG peut avoir un impact sur leur image et a fortiori leurs performances financières.
Le cimentier franco-suisse LafargeHolcim a par exemple vu sa réputation ternie par sa mise en examen pour financement du terrorisme en Syrie. Suite à l’interdiction du glyphosate en France, Bayer Monsanto a dû retirer l’intégralité des produits « Roundup Pro 360 » de la vente aux particuliers. Sans oublier, l’impact du « Dieselgate » sur le groupe Volkswagen, avec pour effet immédiat, une chute de l’action du constructeur automobile allemand de 33% en cinq séances !
De plus en plus sensibles à l’avenir de la planète, les épargnants affichent en tout cas à travers les enquêtes d’opinion un intérêt grandissant pour l’investissement responsable. D’après l’étude du cabinet GFK publiée en juin 2018, 88 % des particuliers jugent important que leur épargne soit placée dans des produits respectant les critères ESR. Pour les 16-34 ans, cette prise de conscience grimpe même à 92 % !
488 fonds responsables disponibles en France
Pour faire face à cet engouement, 488 fonds durables sont d’ores et déjà accessibles en France, selon le cabinet Novethic. Mais le vocable « durable » est loin d’englober une catégorie de fonds homogène.
La philosophie et la finalité d’investissement de ces fonds peuvent sensiblement varier. Pour donner plus de visibilité aux investisseurs – institutionnels ou particuliers – concernant les différentes typologies de fonds durables disponibles sur le marché, la France s’emploie depuis peu à structurer cette offre. Deux labels publics ont été instaurés, le label ISR et le label Greenfin. Le plus médiatisé est sans aucun doute le label ISR pour Investissement Socialement Responsable. Il est porté par le ministère des Finances. La moitié des fonds durables bénéficient de ce label ISR, toujours selon Novethic.
Sans exclure les critères financiers, le but de l’approche ISR est de tenir compte des enjeux Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) dans les choix de valeurs. Pour obtenir le label ISR, un fonds doit ainsi respecter une série de critères répartis en six thèmes définis par l’arrêté du 8 janvier 2016. Il s’agit d’objectifs généraux et de la politique de gestion (sur des critères financiers et ESG), de la méthodologie d’analyse et de notation des critères ESG, de leur prise en compte dans la construction du portefeuille, de la politique d’engagement ESG du fonds avec les entreprises dans lesquelles il investit, de la transparence de gestion et de la mesure des impacts positifs de la gestion ESG sur le développement d’une économie durable. Chaque fonds qui postule à la labellisation est audité par un organisme indépendant.
La France se dote de deux labels d’investissement responsable
Parallèlement aux label ISR, le label Greenfin a été créé à la mi-juin par le ministère de la Transition Écologique et Solidaire. Son objectif est de mobiliser une partie de l’épargne au bénéfice de la transition énergétique et écologique. Il remplace le label TEEC pour Transition Énergétique et Écologique pour le Climat créé fin 2015 au moment de la COP 21. Novethic, EY France et Afnor Certification ont été désignés comme organismes chargés de délivrer le label Greenfin. À ce jour, 30 fonds détiennent ce label Greenfin, pour un montant de 7 milliards d’euros.
Le label Greenfin exclut en particulier les fonds qui investissent dans des entreprises opérant dans le secteur nucléaire et les énergies fossiles. Pour se voir octroyer le label, les fonds doivent investir dans des activités vertes listées. Les actifs de ces fonds doivent en particulier être investis à hauteur d’un pourcentage déterminé dans des activités affichant un profil de taxonomie. Les fonds doivent en outre assurer une veille active des controverses en matière environnementale, sociale et de gouvernance (ESG), ainsi que démontrer leur impact sur la construction et la vie du portefeuille. L’obligation leur est faite par ailleurs de publier un reporting et des indicateurs de mesure des bénéfices environnementaux apportés par les actifs investis.
Des méthodes de gestion ISR à comparer
Si les labels constituent une avancée en matière de lisibilité de l’offre des fonds en investissement durable, les épargnants se doivent pour arrêter leur choix d’étudier également quelles méthodes chaque société de gestion utilise pour composer ses fonds.
Les fonds ISR peuvent de fait être regroupés en quatre grandes catégories : les fonds d’exclusion, les fonds « Best-in-class », les fonds à stratégie thématique et les « fonds Best-effort ». L’approche thématique a vocation à privilégier les entreprises d’un même secteur, tandis que dans une approche « Best-in-universe » en revanche sont exclus certains secteurs d’activité à impact environnemental ou social fort comme l’armement, l’industrie pétrolière ou le secteur des casinos…
Dans le cas de l’approche thématique, le risque est d’investir dans un portefeuille souffrant d’un biais sectoriel très marqué, s’écartant des préconisations de diversification souvent mises en avant dans le cadre des politiques d’allocation d’actifs pour limiter le risque. Souvent privilégiée par les sociétés de gestion, la méthode « Best-in-Class » a pour sa part vocation à retenir les entreprises possédant les meilleures notes ESG au sein de leur propre secteur. Pour un investisseur dont l’objectif est de privilégier une gestion « éthique », le problème est que ces fonds ISR ne s’interdisent pas d’investir dans des sociétés issues d’industries pouvant être polluantes ou du secteur de l’armement, si ces sociétés disposent d’une bonne note au sein de leur secteur au regard des critères ESG.
Un engouement naissant à confirmer
Dans un monde marqué par la volonté d’en faire plus pour protéger notre planète et aller vers un système économique plus vertueux pour l’environnement et l’homme, les lancements de fonds ESG se sont accélérés ces trois dernières années au niveau mondial et en particulier en Europe. Selon Morningstar, les encours atteignent 1 230 milliards de dollars à fin mars 2019, pour 3 120 fonds au niveau mondial. 762 milliards de dollars se concentrent en Europe, 441 milliards en Amérique du Nord et le reste en Australie et au Japon. Au sein de l’investissement responsable, la lutte contre le changement climatique et la transition énergétique occupent la première place.
Malgré le réel intérêt affiché par les épargnants et l’instauration des labels ISR et Greenfin dans le cas de la France, les établissements financiers ont encore un gros travail de promotion a réaliser pour aider les épargnants à franchir le pas de l’investissement durable. Selon une étude de BNP Paribas Asset Management (BNPP AM) sur le comportement des investisseurs individuels européens concernant l’ISR, il apparaît que si 64 % se déclarent prêts à investir au moins une partie de leur épargne en ISR, les investissements effectifs sont encore faibles. Seuls 5 à 7 % des investisseurs interrogés disent être investis dans des fonds ISR, ce taux s’établissant à 7 % en France. Novethic indique pour sa part que la dynamique des fonds en investissement durable est forte du côté des épargnants français, avec une croissance de 11 % entre 2017 et 2018. « L’investissement responsable reste porteur pour la gestion d’actifs française qui se rétracte dans son ensemble de 6 % en 2018 pour les OPC de droit français selon l’AFG. L’attractivité des fonds bénéficiant du label public est manifeste puisqu’ils représentent plus de 52 % de la collecte » indique par ailleurs Novethic.
Des performances dignes des fonds traditionnels
La finance responsable a pourtant de solides cartes en main. Plusieurs travaux de recherche montrent que les entreprises prenant en compte à la fois des critères financiers et extra-financiers sont créatrices de valeur sur le long terme. Une étude Amundi indique en particulier que l’approche «Best-in-class» (ou l’achat des 20 % des actions les mieux notées) combinée avec la vente des 20 % des actions les moins bien notées sur les critères ESG aurait généré un rendement annualisé de 3,3 % en Amérique du Nord et de 6,6 % dans la zone euro sur la période 2014-2017, alors que ces chiffres étaient respectivement de -2,70 % et -1,20 % entre 2010 et 2013. « Parmi les trois piliers ESG, c’est le facteur Environnement en Amérique du Nord et le facteur Gouvernance dans la zone euro qui ont obtenu les meilleurs résultats. À partir de 2015, la composante Social s’est nettement améliorée et est désormais valorisée positivement par le marché boursier » ajoute Amundi.
Malgré tout, les investisseurs européens restent sceptiques quant aux performances potentielles de l’ISR, selon BNPP AM. Seuls 19 % pensent que l’ISR peut offrir des rendements équivalents aux investissements traditionnels dont 11 % aux Pays-Bas, 24 % en Italie, 21 % en France, 20 % en Allemagne et 17 % en Belgique. Si l’investissement responsable a réalisé une première percée, le message sur son potentiel de performance devra encore être martelé pour séduire la majorité des épargnants !