Argent du futur ou bulle financière stratosphérique ? Actif spéculatif sans précédent ou escroquerie mondiale virtuelle ? Quelle définition et quelle place accorder aux cryptomonnaies, dont le Bitcoin est la figure de proue ?
ELDORADO NUMERIQUE ET MONTAGNES RUSSES
Et si tous les épargnants avaient désormais à portée de main ou – digital oblige – au bout de leurs doigts, l’opportunité d’emprunter le même destin que celui du célèbre héros d’Alexandre Dumas ? À l’image d’un investisseur qui – épuisé de croupir dans la cellule de son livret A ou dans les bas-fonds (en euros) de son assurance-vie – déciderait de s’en évader, à la faveur d’une nuit sans lune, pour gagner l’Île de la Fortune. Il y découvrirait un fabuleux trésor : une monnaie étrangement dématérialisée, qu’un légendaire pirate du Web, le dénommé « Satoshi Nakamoto », aurait autrefois dissimulé au creux d’une crypte secrète. Le fugitif y ouvrirait alors un énigmatique coffret renfermant moult merveilles numériques, serties de pierres crypto-précieuses répondant aux noms surprenants de
« DOGE », « THETA », « TFUEL », « CAKE » ou même « PSG »… Trop beau pour être vrai ? Toujours est-il que certains investisseurs, pour avoir cru à cette fable, ont vu leur mise décupler en quelques semaines, voire centupler en quelques mois. Toutefois, un avertissement s’impose ! Car apprendre à « compter Crypto » suppose de posséder des nerfs d’acier : de nature très erratique, les cryptomonnaies sont à la fois capables d’atteindre les plus improbables sommets, mais aussi de plonger instantanément dans les gouffres les plus abyssaux. Et l’investisseur d’entendre le lugubre écho du pirate :
« Descendez, Cryptooooo ! »
UN INVESTISSEMENT SUIVI D’EFFET… PAPILLON
Tandis que les banques privées se mettent progressivement au diapason, des plateformes spécialisées de trading – telles que Binance, Coinbase et Kraken – ont depuis longtemps fait de la « cryptomania » leur business model (un succès d’ailleurs parfois même couronné par une introduction au Nasdaq). Toutefois, la prudence est de mise pour les établissements financiers à l’heure de proposer à leurs clients des produits basés sur de telles monnaies. En effet, quelle sécurité leur garantir s’agissant d’une telle classe d’actifs ? Des actifs que l’on sait tantôt sensibles aux tweets d’Elon Musk, tantôt impactés par la politique des gouvernements, soucieux de préserver la souveraineté de leurs monnaies. À titre d’exemple, prenons l’instauration de la réglementation annoncée par la Chine, pourtant pays pionnier dans le « minage » de bitcoins. Cependant, les offres d’investissement en la matière ne semblent pas devoir faiblir dans un avenir proche. De nombreuses alternatives sont envisagées ou commencent à voir le jour. Citons à ce sujet les fonds indiciels cotés sur le Bitcoin, ou les cryptodevises dont la vocation, sur l’impulsion des GAFAM, consiste à être dotées d’un cours plus stable, car adossées à des monnaies officielles, à commencer par le dollar américain et l’euro.
QUID DU CRYPTO-CONSEIL PATRIMONIAL ?
Si à court terme, au regard de la vigilance des États, les Bitcoin, Ethereum et autres cryptomonnaies ne constitueront pas forcément les nouveaux moyens de paiement de notre quotidien, elles doivent désormais être prises en considération dans l’univers de la gestion de patrimoine. Nouvelle classe d’actif financier, et s’inscrivant dans la sacro-sainte préconisation de diversification patrimoniale, elle a indéniablement pris sa place parmi les solutions d’investissement très dynamique ou risqué.
Par ailleurs, comment considérer la cryptomonnaie d’un point de vue juridique ? Doit-on l’assimiler à une forme de trésorerie ou à une sorte de valeur mobilière ? L’enjeu n’est pas neutre. Est-elle éligible au démembrement de propriété (usufruit/nue-propriété) ? Est-elle compatible au mécanisme des donations pré-cession emportant purge des plus-values latentes ?
Une chose est sûre, le notaire aura de plus en plus à aborder avec ses clients le sujet de la cryptomonnaie, comme nouvel outil, tant à l’occasion de la mise en place d’une stratégie patrimoniale, comme un changement de régime matrimonial ou une transmission intergénérationnelle, que lors du règlement d’une succession. D’ici là, ne perdez pas vos clés USB, ni vos codes d’accès…Vous déclencheriez la colère du pirate Nakamoto !
Par Maître Julien Trokiner, Dixsept68 Notaires
Paris & Lyon
www.letude1768.com