Face à des placements comme les fonds en euros qui affichent des rendements anémiques, les actions tirent incontestablement leur épingle du jeu. En acceptant une dose de risque, vos gains peuvent surpasser les performances de la gestion indicielle. À condition de sortir des sentiers battus !

 

Avec la fin des politiques de quantative easing des grandes banques centrales, en particulier de la première d’entre elles, la Réserve fédérale américaine, les marchés financiers ne vont plus bénéficier de la manne de liquidités qui a permis à l’économie mondiale de ne pas sombrer dans le sillage de la crise financière de 2007-2008. Cette phase de normalisation de la politique monétaire de la Fed, mais également de la BCE… sera d’autant plus critique qu’elle pourrait de se conjuguer avec un ralentissement de la croissance mondiale.

Le FMI a bel et bien confirmé sa vue globalement positive sur l’économie mondiale, avec une prévision de 3,9 % pour cette année et l’année prochaine. Mais, les indices de confiance des directeurs d’achats à travers le monde ont montré des signes de faiblesse ces derniers mois. L’indice PMI manufacturier Monde s’est ainsi replié pour le troisième mois consécutif en mai, à 53,4. Il reste cependant au-dessus du seuil de 50 qui suggère une poursuite de l’expansion. Les facteurs de risque sont en outre loin de se dissiper. Ralentissement du momentum macroéconomique, fin des politiques monétaires ultra accommodantes, guerre commerciale, tensions géopolitiques et hausse du pétrole… concentrent bien des inquiétudes.

 

Regain de volatilité

La volatilité sur les indices boursiers a en tout cas fait son grand retour, après un démarrage en fanfare des marchés actions en ce début d’année 2018. Les investisseurs ont été surpris, voire effrayés, de la baisse des marchés financiers de février et de mars 2018. Ces reculs n’ont pourtant pas dépassé les 10 %, s’apparentant plus à une respiration logique des bourses, après des mois de hausses. En se focalisant sur les seuls indices américains, ils avaient en effet grimpé sans interruption, tous les mois, entre novembre 2016 et janvier 2018. Passées les baisses de février et mars, le bull market a repris le dessus. Et le Cac 40 a retrouvé mi-mai son niveau d’avant la crise de 2007, effaçant une décennie de crises, dont la crise des subprimes en 2008 et la crise de la zone euro en 2011.

Le danger avec cette succession de records est d’entretenir l’illusion que le marché actions ne comporte plus de risques. Le retour de la volatilité pourrait battre en brèche cette illusion. Pas question toutefois de se détourner des marchés actions. Il conviendra juste de renouer avec les fondamentaux et de se rappeler que si les investissements en action affichent un potentiel de perte à court terme, ils restent la classe d’actifs la plus performante sur le long terme. Dans un marché volatil pour être gagnant, il faut également être sélectif. Il ne suffit plus d’investir sur un indice et d’attendre pour récolter sa mise quel que soit l’horizon de placement. Sans risque, l’investisseur ne pourra prétendre qu’aux taux sans risque, actuellement proches de zéro, voire négatifs.

 

La gestion active n’est pas morte

La gestion active devrait ainsi retrouver ses lettres de noblesses, face à des marchés gagnés par la volatilité, des fondamentaux macroéconomiques moins solides et la fin du quantative easing. Cet environnement est favorable pour la gestion active de convictions et la recherche de valeurs de qualité. Sur les dix dernières années, pourtant marqués par une hausse ininterrompue des indices boursiers, toutes les valeurs sont loin d’avoir affiché les mêmes performances, y compris au sein du Cac 40. En tête des hausses, Safran s’est adjugé plus de 570 %, devant Valeo (+ 530 %) et les incontournables valeurs du luxe Kering (+ 485 %) et LVMH (+ 345 %), quant au rang des flops, ArcelorMittal perdait pas loin de 80 % et Engie cédait pratiquement 70 %.

D’ailleurs, en 2017, 44 % des fonds actifs en Europe ont surperformé leurs indices de référence, contre seulement 28 % en 2016, selon les conclusions de la cinquième étude annuelle de Lyxor Asset Management. La gestion active s’est mieux comportée sur les marchés actions les moins efficients ; ailleurs, la gestion passive domine. Les gérants actions ont enregistré les meilleurs résultats : 47 % d’entre eux surperforment les indices de référence, contre 26 % en 2017.

Les fonds actions actifs qui ont surperformé sont ceux qui ont surpondéré les facteurs de qualité et/ou de croissance, au détriment du facteur value qui a soutenu la performance en 2016, ce qui reflète une plus grande visibilité et une meilleure liquidité sur les marchés. Malgré une meilleure performance en 2017, seuls 39 % des gérants obligataires actifs ont surperformé leurs indices de référence, contre 32 % l’année précédente.

Pour Marlène Hassine, responsable de la Recherche ETF chez Lyxor, la bonne stratégie consiste toutefois à panacher gestion active et passive. « L’enjeu pour les investisseurs consiste à identifier les avantages spécifiques à chaque outil d’investissement pour trouver le bon équilibre entre gestion active et passive au sein de leurs portefeuilles. D’après notre étude, 34 % (sur une moyenne annelle) des fonds actifs ont surperformé au sein de nos univers au cours des dix dernières années.

Ce résultat suggère qu’au sein d’un portefeuille mondial, la valeur ajoutée de la gestion active peut être obtenue en grande partie en allouant 30 % à 40 % à des fonds actifs et en investissant les 60 % à 70 % restants dans des fonds passifs ou smart beta », explique-t-elle.

 


Didier Saint-Georges, managing director et membre du Comité d’Investissement de Carmignac

Patrimoine Privé : comment expliquer le désamour des investisseurs pour la gestion active au cours
de ces dernières années ?
Didier Saint-Georges : La gestion active est annoncée pour morte depuis les années 2009-2010. Faute d’avoir su, pour la plupart des gérants actifs, protéger le patrimoine des clients lors du krach, et de n’avoir guère généré de valeur depuis lors, ses encours ont littéralement fondu au profit de la gestion passive. Cet engouement pour la gestion indicielle depuis 9 ans repose toutefois sur un environnement boursier tout à fait exceptionnel. Dopées par les injections de liquidités des banques centrales pour contrer la crise de 2008, toutes les classes d’actifs – des actions aux obligations – ont invariablement progressé, s’affranchissant des fondamentaux économiques. Dès lors, il suffisait de se positionner sur les indices boursiers, sans réellement faire de choix, et se laisser porter pour dégager de la performance. Les investisseurs se sont légitimement interrogés sur l’opportunité de payer plus cher les services d’un gérant ne parvenant pas à surperformer les marchés.

P.P. : Pourquoi la gestion active pourrait-elle renaître ?
D.S-G. : En ce début d’année 2018, deux événements susceptibles de redonner du crédit à la gestion active sont intervenus. Le premier est l’annonce majeure de la fin de leur politique de quantative easing des grandes banques centrales. Le principal moteur de la hausse des marchés de ces dix dernières années est ainsi officiellement sur le point d’être coupé. Les achats d’actifs par les banques centrales se réduisent d’ores et déjà en Europe. Aux États-Unis, la phase de remise sur le marché des actifs acquis depuis la crise financière a commencé. Parallèlement, des interrogations sont apparues sur la robustesse de la croissance économique mondiale. L’embellie observée ces deux dernières années montre des signes d’essoufflement. Les marchés pourraient ainsi perdre en partie le soutien de l’économie réelle et des banques centrales au moment où elles en auraient de nouveau besoin, avec à la clé la résurgence d’un monde d’incertitudes et de la volatilité, comme observé au premier trimestre 2018. Les investisseurs seront à nouveau dans l’obligation de faire des choix et de revenir à l’essence même de la gestion active.

P.P. : Dans ce contexte, les investisseurs devront-ils prendre plus de risques ?
D.S-G. : La gestion active n’est pas forcément synonyme de risque, bien au contraire. Elle consiste avant tout à faire des choix. Or ces choix peuvent précisément être de réduire sa part de risque. Prenons l’exemple des placements obligataires. Cette année, nous sommes concrètement rentrés en période de hausse des taux d’intérêt. Si cela se confirme, une gestion obligataire passive va perdre de l’argent. La gestion active va au contraire pouvoir utiliser des outils de gestion du risque pour ne pas subir de pertes et même dégager de la performance. Par ailleurs, il est important d’alerter sur les comportements de ces dernières années visant à utiliser largement les outils à effet de levier. S’endetter à faible coût pour investir davantage et augmenter sa rentabilité est très rentable dans un marché régulièrement haussier. Mais continuer d’utiliser du levier financier dans un monde gagné par la volatilité et des coûts de financement plus élevés est beaucoup plus risqué. Se désintoxiquer de l’effet de levier pourrait être salvateur.

P.P. : Dans quels secteurs d’activité convient-il d’investir ?

D.S-G. : En 2016 et 2017, les secteurs cycliques, comme l’automobile et la construction, l’industrie lourde, bénéficiant de l’embellie économique et de la faiblesse des taux d’intérêt, ont été en tête des hausses, avec toutefois une contrepartie : un fort endettement. Les entreprises issues de ces secteurs sont désormais un peu comme les cigales à l’entrée de l’hiver. Elles sont exposées à la double menace de la hausse des taux d’intérêt et d’un ralentissement économique dans les six à douze mois. Nous sommes donc à la vente sur ces entreprises. À l’opposé, il faut détenir des sociétés des secteurs dont la croissance est indépendante des cycles et disposant d’une solide trésorerie, donc des valeurs de croissance avec des bilans robustes, comme on en trouve parmi les technologiques, à l’image de Facebook, Apple ou Amazon… Leur baisse en bourse au premier trimestre, suite aux mouvements de contestation des Gafa et de leur stratégie fiscale, a constitué en l’occurrence un excellent point d’entrée pour le moyen terme.

(propos recueillis en mai 2018, interview de François Leroux)


 

Du levier pour booster les plus-values boursières

Pour les amateurs de gestion passive ou active, les produits à effet de levier constituent une excellente opportunité pour dynamiser leur portefeuille, que les marchés soient orientés à la hausse comme à la baisse. Ils ne sont toutefois à mettre qu’entre les mains d’investisseurs avertis, surtout en cette période de retour de la volatilité. Pour éviter tout dérapage ou contre-performance, il conviendra, mais c’est le maître-mot en bourse, d’être sélectif. À côté du SRD, des solutions plus exotiques… et aux promesses de gains bien plus élevées se sont multipliées au fil des ans allant des warrants aux turbos, en passant par les certificats ou les CFD.

Les produits à effet de levier offrent réellement des perspectives de gains. De plus, ils se négocient pour certains aussi facilement qu’une action et à peu de frais. Ils n’en sont pas moins à haut risque et nécessitent d’être manipulés avec précaution. Car si la plus-value bénéficie de l’effet de levier, les pertes aussi. Avec certains produits, les pertes peuvent même dépasser la mise de départ. Les produits à effet de levier ne doivent ainsi représenter qu’une petite partie des investissements au sein d’un portefeuille.

 

Amateurs s’abstenir

Le Service de règlement différé ou SRD constitue un excellent produit pour se mettre en jambe avec l’effet de levier, même s’il convient de rappeler qu’il reste réservé aux boursicoteurs affirmés. Concernant les valeurs éligibles au SRD, elles doivent afficher une capitalisation boursière de 1 milliard d’euros et pour celles éligibles au SRD « Long-seulement » un volume de capitaux échangés quotidien minimal de 100 000 euros. Le SRD permet d’investir sur les marchés financiers avec un effet de levier allant jusqu’à 5. Dans les faits, un levier de 5 signifie qu’avec une mise de 100 euros, vous pouvez investir jusqu’à 500 euros en bourse.

Pour jouer les indices, les trackers à effet de levier permettent également de doper ses plus-values. Il ne faut toutefois pas les confondre avec les simples trackers répliquant un indice à moindre frais. Ces produits sont destinés aux investisseurs avertis pour des stratégies à court terme. Ils supposent, de la part de ces adeptes de la spéculation, un suivi quotidien et des allers-retours fréquents en fonction de l’évolution du sous-jacent. Le risque se limite toutefois au montant investi, mais leurs frais sont souvent plus conséquents que pour un simple tracker.

Avec les warrants et leurs cousins les turbos, proposant une barrière désactivante en fonction du cours du sous-jacent, sont des produits bien plus techniques que les trackers. Leur effet de levier est toutefois incomparable, tout en permettant de parier sur la hausse ou sur la baisse d’une action, un indice, une matière première ou une devise. Pour les warrants, il est conseillé de limiter l’investissement à quelques jours et de fixer un prix d’exercice proche du cours du sous-jacent afin de réduire le risque, même si la perte maximale est limitée au montant investi. Les turbos ciblent avant tout des positions de quelques heures. Mais attention à bien positionner la barrière désactivante.

Enfin les CFD ou Contract for difference (CFD) permettent également d’investir sur une large gamme d’actifs, comme les indices, les actions, les matières premières, les produits de taux, les devises… ou encore les bitcoins. Leur prix est indexé sur celui du sous-jacent, ils n’ont pas d’échéance et permettent aussi de vendre à découvert. Par contre, vous pouvez perdre plus que votre mise initiale. L’ESMA (European Securities and Markets Authority) a par ailleurs instauré en mars de nouvelles mesures concernant la commercialisation de CFD aux clients particuliers, avec un effet de levier limité (une limite spécifique est prévue pour les CFD sur les crypto-monnaies), une règle de clôture par compte dès lors que la marge excède un certain niveau, l’impossibilité pour un compte d’afficher un solde négatif, l’interdiction pour les fournisseurs de CFD d’inciter le public à l’investissement dans ces produits et un avertissement sur les risques attachés aux produits autorisés. L’objectif est de protéger davantage l’investisseur particulier, signe que les produits de levier sont bel et bien des outils destinés aux boursicoteurs avertis