L’encadrement des loyers est de nouveau applicable dans la capitale. Après un an et demi d’interruption, suite à son annulation par le tribunal administratif de Paris le 28 novembre 2017, le dispositif fait son grand retour à Paris pour les baux conclus à partir du 1 juillet 2019. Une réintroduction rendue possible par la loi Elan, qui permet aux villes situées en zone tendue d’appliquer le dispositif à titre expérimental pour une durée de cinq ans.

Petit rappel sur Loi ELAN

Le texte de la loi logement, ou projet de loi évolution du logement et aménagement numérique (ELAN), a été présenté en Conseil des ministres le 4 avril 2018. Voté par le Parlement au cours de l’automne, le texte officiel et définitif a été publié au Journal officiel du 24 novembre 2018. Une partie des mesures prévues nécessite toutefois encore la publication d’ordonnances pour entrer en vigueur.

La loi ALUR de 2014 écrite par les équipes de Cécile Duflot a instauré un dispositif d’encadrement des loyers. Cet encadrement avait pour principe général de définir une valeur maximale de loyer au m² applicable aux nouveaux baux signés, appelée loyer de référence majoré.

 La mise en application pratique a été pour le moins difficile et compliquée : seulement deux communes (Paris et Lille) l’ont mis en œuvre et le dispositif a finalement été annulé par les tribunaux administratifs dans ces villes, à la fin de l’année 2017. La loi favorise le développement des observatoires des loyers afin de mieux assurer la transparence des données locatives. La mise en place de ces observatoires locaux des loyers (OLL) sera obligatoire dans toutes les zones tendues.

 Dans ces zones, un encadrement des loyers ne sera pas obligatoire mais le préfet pourra décider de sa mise en œuvre par arrêté à la demande des établissements publics de coopération intercommunale ou collectivités compétents en matière d’habitat. Si tel est le cas, le projet renforce les sanctions applicables aux propriétaires qui ne respecteraient pas la réglementation. La loi prévoit ainsi la faculté pour le préfet de prononcer une amende administrative : les bailleurs récalcitrants qui ne préciseront pas le loyer de référence dans le contrat de location encourront jusqu’à 5 000 euros d’amende pour une personne physique et jusqu’à 15 000 euros pour une personne morale.

 

L’encadrement des loyers

L’encadrement des loyers est un dispositif permettant de limiter les augmentations de loyer, que celles-ci soient dues à des révisions de loyer lors des renouvellements de baux ou à la remise en location des biens. Cette réglementation concerne les communes situées en zone dite tendue, c’est-à-dire celles dans lesquelles la taxe sur les logements vacants s’applique.
Comment ce dispositif fonctionne-t-il ? Tout dépend du cadre dans lequel on se situe : remise en location ou renouvellement de bail.

 

Si remise en location

La détermination du loyer à l’occasion d’une remise en location d’un logement est encadrée différemment selon la localisation de celui-ci et la durée de vacance du logement.

 En deçà de 18 mois de vacance, l’augmentation du loyer lors de la remise en location du bien est limitée à l’évolution de l’indice de référence des loyers (si vous n’avez pas indexé le loyer lors des 12 derniers mois). La hausse du loyer peut excéder l’évolution de l’IRL (mais dans la limite du montant du loyer de référence majoré, qui est fixé par arrêté préfectoral) si le précédent loyer a été largement sous-évalué ou en cas de réalisation de travaux d’amélioration ou liés à la décence du logement, aient été effectués après le départ de l’ancien locataire.

Le montant des travaux devra être au moins égal à la dernière année de loyer. La hausse du loyer annuel ne peut excéder
15 % du coût réel des travaux toutes taxes comprises.

Exemple : si le montant des travaux s’élève à 5 000 euros la majoration peut s’élever à 750 euros. On divise ce montant par 12 pour connaître l’augmentation possible du loyer mensuel : 750/12 = 62,5 euros.

 Au-delà de 18 mois de vacance, la contrainte de l’évolution de l’IRL saute et la seule contrainte qui reste est de ne pas excéder le montant du loyer de référence majoré.

 

Si renouvellement de bail

À l’occasion du renouvellement du contrat de location pour un bien situé dans une commune soumise à l’encadrement des loyers, le loyer peut être révisé à la hausse dans certaines conditions. Le bailleur doit notamment faire une proposition au locataire, et ce dans un certain délai (au moins 6 mois avant la fin du bail).

 Avec le dispositif d’encadrement des loyers, le locataire peut intenter une action en diminution de loyer si le montant qui figure dans le contrat de location (hors complément de loyer s’il y en a un) dépasse le loyer de référence majoré en vigueur à la date de proposition de réévaluation.

 À Paris, l’Observatoire des loyers a donc défini un ensemble de valeurs de référence, appelé loyer médian de référence, correspondant aux médianes d’échantillons de baux définis en fonction d’une ventilation de critères :
 Zone : Paris est découpée en 80 quartiers administratifs.
• Date de construction : des tranches sont définies (avant 1946, 1946-1970, 1971-1990, après 1990).
• Type de location : vide ou meublée.
• Nombre de pièces : du studio au plus de 5 pièces.

À noter : les valeurs d’encadrement prennent donc bien en compte les meublés, pour lesquels l’encadrement des loyers s’applique également (quand il s’agit de meublé résidence principale en bail d’un an).

Exemple : pour un deux pièces en location meublée, construit avant 1946, dans le quartier du Gros-Caillou (Paris VIIème), le loyer médian de référence est de 31,50€/m². Ce loyer correspond à la médiane des loyers constatés sur les baux en cours, donc sur des baux qui ont été signés sur les dernières années.

Le loyer de référence majoré est défini comme le loyer médian de référence auquel vous rajoutez 20 %.

Loyer maximum = loyer de référence majoré = loyer médian de référence X 1,2.
Soit 37,80 €/m².

Ici, le loyer de référence majoré (et donc le loyer maximum théorique) pour votre 2P meublé avant 1946 avenue de la Motte-Picquet est de 37,80 €/m² (31,50 x 1,2) de surface habitable, soit 1 512€ pour 40 m² (loyer hors charges).

 L’idée du législateur a donc été de définir une fourchette mobile autour de la moyenne pour ne pas bloquer indéfiniment les loyers de marché sur des valeurs fixes ; dans l’esprit de la loi, il n’y aurait pas de raison pour que le loyer d’un nouveau bail dépasse de plus de 20 % la valeur médiane constatée pour des biens équivalents de la même zone.

Complément de loyer exceptionnel au-delà de l’encadrement

Le législateur a conservé dans le nouveau texte une porte de sortie éventuelle à l’encadrement : le complément de loyer exceptionnel.

 Un complément de loyer peut être appliqué au loyer de base pour des logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort le justifiant, par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique.

 

Ce que dit l’article 140 de la loi ELAN :

Le complément de loyer doit être justifié par un élément réellement exceptionnel par rapport au bien de la même zone ayant les mêmes caractéristiques de nombre de pièces, de date de construction ou de location meublée ou vide.

Les motifs justifiant un complément n’ayant pas été définis, il est nécessaire de faire preuve de bon sens en choisissant des motifs raisonnables.

Ci-dessous, un exemple de tableau d’analyse sur le complément de loyer.

À noter : l’élément justifiant du complément de loyer exceptionnel ne doit pas être répercuté par ailleurs dans le loyer ou les charges. Impossible donc de justifier d’un complément de loyer si le locataire bénéficie d’une piscine dans la copropriété dont les dépenses d’entretien sont déjà répercutées dans la provision pour charges.

Les risques encourus en cas de dépassement

Le modèle de bail obligatoire depuis 2014 impose d’indiquer explicitement les valeurs de référence médianes et majorées. Le locataire peut donc facilement savoir si le loyer demandé est supérieur ou non à la valeur de référence majorée.

 Le cas échéant vous êtes obligé d’indiquer sur le bail un complément de loyer justifié de manière explicite, tel que vu au-dessus.

En cas de complément de loyer exceptionnel non justifié ou d’un loyer dépassant le loyer de référence majoré sans justification, le bailleur prend le risque de voir la valeur contestée par le locataire en cours de bail.

Les procédures potentielles se décomposent par degré de contentieux de la manière suivante :
• Demande au bailleur par courrier recommandé.
• Saisie de la commission de conciliation.
• Assignation au tribunal d’instance.

La commission de conciliation est une instance rendant des avis non exécutoires, le locataire devra donc saisir le tribunal si le bailleur refuse d’appliquer la décision.

Fin 2017, juste au moment de l’annulation, nous manquions encore de retour sur les décisions de la commission de conciliation, cependant les échos qui ressortaient des différents articles de presse sur le sujet montraient une tendance en faveur des locataires avec une interprétation stricte du caractère exceptionnel du complément.

La loi ELAN rappelle les conditions de contestation possibles du locataire, qui sera obligé potentiellement de passer devant la commission de conciliation avant de saisir le juge :

Le locataire qui souhaite contester le complément de loyer dispose d’un délai de trois mois à compter de la signature du bail pour saisir la commission départementale de conciliation prévue à l’article 20 de la loi N°89-462 du 6 juillet 1989 précitée, sauf lorsqu’il s’agit d’un bail mobilité.

En l’absence de conciliation, le locataire dispose d’un délai de trois mois à compter de la réception de l’avis de la commission départementale de conciliation pour saisir le juge d’une demande en annulation ou en diminution du complément de loyer. La fin de non-recevoir tirée de l’absence de saisine préalable de la commission départementale peut être soulevée d’office par le juge.

 La nouvelle loi ELAN introduit également une disposition permettant au « représentant de l’État dans le département » de fixer des amendes administratives au bailleur ne respectant pas les dispositions de l’encadrement (indication du loyer de référence majoré dans le bail, justification d’un complément de loyer exceptionnel en cas de dépassement).

On parle donc bien ici de non-respect de l’encadrement, pas de la contestation du complément de loyer exceptionnel qui peut être décidée par la commission de conciliation ou par un juge.

Dans les deux cas (contestation par le locataire ou sanction administrative) la loi prévoit que l’éventuel retour à la valeur de référence majorée se fera rétroactivement à partir de la date d’effet du bail.

Comment éviter l’encadrement des loyers ?

L’encadrement des loyers s’applique aux contrats de location en résidence principale, vide ou meublés, soumis à la loi de 89.

– Un moyen simple de sortir de cette mesure d’encadrement est donc de signer un bail qui ne soit pas en résidence principale ou de louer à une société via un bail de logement de fonction.

Conclusion : le retour de cette mesure juste avant la période la plus importante de l’année (juillet à septembre) perturbe le marché et raréfie les biens sur le marché.

Dans un marché complexe, il est important d’en comprendre tous les mécanismes. L’ajout d’une contrainte peut perturber l’équilibre dans un sens opposé à celui de l’objectif initial 

Par Pierre-Olivier PERRET
CMC PATRIMOINE
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