Bâtiment clé de l’histoire religieuse et seigneuriale du Vivarais méridional, la résidence épiscopale de Bourg-Saint-Andéol domine le Rhône depuis le Moyen-Âge. Embelli aux XVème et XVIème siècles, celui que l’on surnomme sans emphase «le palais aux cent pièces » accueillit successivement en ses murs 40 évêques et reçut même le cardinal Mazarin avant de connaître, à compter du XVIIIème siècle, des heures moins glorieuses et divers remaniements qui contribuèrent à occulter son lustre d’antan… Devenu propriété privée il y a 13 ans et bénéficiant dès lors d’une consciencieuse restauration, ce vaste complexe de 4 000 m2 carrés sur cour fermée ne cesse de révéler des trésors insoupçonnés, redevenant à juste titre l’un des fleurons du patrimoine ardéchois.

 

Depuis sa terrasse panoramique sur le Rhône que d’aucuns comparent volontiers à celle du Petit Palais en Avignon eut égard à ses généreuses dimensions atteignant les 400 m2, l’ancienne villégiature des puissants évêques de Viviers a fière allure. Embellie entre 1532 et 1536 par Claude de Tournon, évêque de Viviers de 1498 à 1542 et aumônier d’Anne de Bretagne, la façade Renaissance affiche d’imposantes poivrières et des fenêtres à croisée encadrées de moulures et de colonnes torses. Les aménagements de fenêtres réalisés aux premier et second niveaux par ce grand mécène de Bourg-saint-Andéol s’joutant alors aux composantes notables du bâti édifiés vers 1440 par l’évêque Guillaume de Poitiers que sont le rez-de-chaussée et le chemin de ronde, avec ses échauguettes et gargouilles, ou le grand arc ouvert en 1490 par l’évêque Jean de Montchenu.

Ce palais s’élève sur le rocher saint Michel qui surplombe la rive droite du fleuve à l’emplacement où se dressait autrefois le castrum des seigneurs de Mondragon. Si cet ensemble prestigieux est intégralement classé monument historique depuis 1946, son faste et ses origines sont encore méconnus de la majeure partie du public lorsque les actuels propriétaires rachètent le bâtiment à la congrégation de religieuses de la Présentation de Marie, en novembre 2000. Les sœurs de Marie Rivier en avaient fait une école privée et occupaient les lieux depuis 140 ans. Précédemment, la Révolution avait commué l’opulent monument en hôtel de ville, puis en gendarmerie, avant que la République n’y installe à son tour une garnison militaire, déclassant alors le palais en caserne. Jusqu’en septembre 1998, durant un siècle et demi, le palais était ainsi demeuré fermé à la mémoire des hommes et, hormis les élèves de l’institution catholique, peu d’âmes avaient eu l’occasion de le pénétrer.

Pour Jacques Lextreyt et son épouse, les Journées du Patrimoine furent une occasion exceptionnelle de visiter ce lieu énigmatique et d’en deviner instinctivement, au-delà d’une physionomie quelque peu dénaturée, l’incroyable valeur artistique. Au point de s’en porter acquéreur…

 

L’histoire de cette colossale demeure est il est vrai complexe, singulière même. Au début du XIIIème siècle, le fort médiéval des origines s’est mué en un bastion local du pouvoir religieux. Depuis leur vaste villégiature, d’évidence démonstrative et hautement stratégique, les puissants évêques de Viviers étendent leur autorité sur les environs, annexant une grande partie de la région jusqu’au XIVème siècle. À la tête d’un comté indépendant avant d’être rattachés au royaume de France et de perdre leur précieuse aura au cours du XVIIIème siècle, en 1734, quand le pape exige leur retour à Viviers, ces riches prélats comptent de nombreuses possessions parmi lesquelles la seigneurie de Largentière et sa mine de métal précieux, la forteresse de Saint-Montan, Donzerre ou encore Château-Neuf… Avant que leur disgrâce n’entraîne le déclin du palais lui-même, ce sont ces seigneurs du clergé qui ont offert au bâti ses plus beaux éléments, tant au niveau de l’architecture que du décor.

Épaulés par une équipe de bénévoles réunis sous l’égide de l’association loi 1901 « Le Palais des Évêques », les propriétaires sont des passionnés qui s’attachent depuis 13 ans à rendre son apparat d’antan à l’édifice. La minutieuse restauration de ce patrimoine atypique ne cesse de récompenser leurs efforts. Chacun des travaux de réfection donne lieu à une (re)découverte majeure, dissimulée par des aménagements antérieurs qui escamotaient les charmes originels sous des matériaux sans noblesse, trahissant la mémoire du palais en la travestissant.

En cuisine, la monumentale double cheminée en angle était bouchée par des placards, opportunement installés pour transformer l’âtre en zone de stockage. Une bêtise lorsqu’on mesure qu’il s’agit de l’une des plus anciennes de France qui aient été conservées en parfait état de fonctionnement, datée du milieu du XVème siècle ! À tous les étages, des couches d’enduits délavés recouvraient les murs derrière lesquels de très belles portes voussurées se dérobaient au regard, prises au piège d’une maçonnerie grossière, comme au sein de la salle des banquets que l’usage avait converti en un banal refectoire où la fonctionnalité l’avait emporté sur toute forme d’éclat. Entièrement restaurée, cette vaste pièce illustre pleinement la volonté de reconstitution fidèle des propriétaires, avec par exemple des volets intérieurs mettant en œuvre des panneaux de plis de serviettes, éléments stylistiques caractéristiques de l’époque de construction.

Les chambres des princes de l’Église ont révélé d’autres splendeurs, peintes cette fois. Au plafond des appartements de l’évêque, une alternance de cartouches et petits tableaux représente le Savoir du XVIIème siècle, à la manière d’une encyclopédie. Sa chambre recelait d’autres merveilles. Sous des dépôts de peinture glycéro rose, une frise insoupçonnée est en cours de mise au jour. Faisant le tour de la pièce, cette fresque murale occultée durant des siècles représente un village fortifié, parmi sa campagne…

À l’extérieur comme à l’intérieur, d’autres vénustés ont été découvertes sous des dépôts de ciment : portes et fenêtres réapparaissent pour donner une lecture plus exacte des façades d’origine ou remonter toujours plus loin dans le temps, à la genèse du bâti jusqu’au XIIIème siècle, en précisant la datation de telle ou telle partie… Gardée par un imposant porche, la cour d’honneur qui permet aux visiteurs d’accèder au palais héberge désormais un parterre à la française, un jardin médicinal et une roseraie. Ajoutant du charme à ce clos qui n’en manque pas, une calade a refait surface : du bitume auréolé de marelles tracées à la craie tapissait l’ancien pavement de galets…

Côté Rhône, la majestueuse terrasse continue sa mue. Avec le concours du lycée des métiers d’art d’Uzès, les châssis de fenêtres modernes équipés de petits bois sont progressivement remplacés par des meneaux en pierre, taillés sur mesure fidèlement à la façade primitive et aux archétypes de la Renaissance. Accompagnant ce ré-enchantement, des récitals de musique sont aujourd’hui donnés en ce lieu culturel qui recouvre sa mémoire et son rang. Un renouveau remarquable que l’on peut saluer et soutenir financièrement, au gré de souscriptions.

 

Palaiseveque9

 

POUR EN SAVOIR PLUS :

PALAIS DES ÉVÊQUES
Bourg-Saint-Andéol – 07700

Site : www.palais-des-eveques.fr

 

 

PLAN D’ACCÈS :