Dans un environnement marqué par une forte volatilité des bourses, le combat entre les tenants de la gestion active et de la gestion passive fait rage. À l’expertise des gérants s’oppose l’efficience des marchés sur le long terme. Et si les deux approches étaient complémentaires ?

 

La gestion passive indicielle fête ses 40 ans. Née de la conviction qu’il est impossible de battre les marchés financiers et que la gestion active sur la durée affichera toujours des performances inférieures aux marchés, elle doit notamment ses premiers pas à Paul Samuelson ainsi que Jack Bogle qui a créé dans les années 70 la société Vanguard. Après quatre décennies, la gestion passive affiche un bilan plutôt positif face à la gestion active.

Un focus sur les États-Unis montre en effet que les gérants ont globalement toujours bien du mal à battre les indices. Selon S&P Global, au 30 juin 2016, moins de 10 % des gérants actifs outre-Atlantique ont réussi à afficher, net de frais, des performances supérieures à celle de l’indice S&P 500 sur les douze derniers mois.

Le constat est d’autant moins à l’avantage de la gestion active que, des grandes entreprises aux petites capitalisations, des titres décotés aux valeurs de croissance, il n’existe pas une seule catégorie où plus d’un quart des gérants actifs aient réussi à battre leurs benchmarks, après déduction des frais.

Faut-il pour autant conclure de l’expérience américaine que la gestion active est dépassée ? Les actions américaines ont la particularité d’être le marché le plus liquide au monde, scruté par le plus grand nombre de gestionnaires. Déceler ici des inefficiences, des valeurs oubliées ou injustement délaissées susceptibles de réserver de bonnes surprises est plus difficile qu’ailleurs. Sur les marchés inefficients, la gestion active reprend dans bien des cas le dessus sur la gestion passive. Sur les Bourses émergentes, par exemple, plus de 57 % des gérants battent les indices, selon l’étude de S&P Global. Et sur certains segments des marchés obligataires, ils sont aussi plus de la moitié à faire la différence avec les indices. Les ETF, aussi appelés trackers, ne sont donc pas gagnants partout.

 

Des CGP français favorables à la gestion active

Par ailleurs, selon une étude réalisée par Natixis Global AM, 84 % des conseillers en gestion de patrimoine en France estiment que leurs clients ne sont pas tout à fait conscients des risques liés à la gestion indicielle. Les conseillers financiers ne croient pas aux vertus des fonds indiciels et autres ETF, malgré leurs frais réduits. Ils soulignent en particulier que « faible coût ne rime pas avec faible risque ». Plus des deux tiers des 150 conseillers financiers français interrogés pensent en effet que les investisseurs ont un faux sentiment de sécurité vis-à-vis de leurs placements. Ce ne sont pas tant les soubresauts des marchés qui les préoccupent que les réactions de leurs clients, qui ne supportent plus cette forte volatilité.

À l’opposé, les conseillers financiers estiment que la gestion active subit moins la volatilité des marchés et donc ses soubresauts particulièrement nombreux en 2016 et plus généralement ces dernières années. La gestion active permet, à leur yeux, un meilleur ajustement du couple rendement-risque. Au-delà, elle permet même de profiter des accès de faiblesse des marchés financiers pour saisir des opportunités et investir à bon prix.

Mais cette analyse doit également tenir compte du fait que pour les CGP, la gestion active est plus lucrative. Leur rémunération est de fait étroitement liée aux frais de gestion supportés par les OPC qui sont nettement plus élevés que dans le cas de la gestion passive. Meilleure gestion du couple rendement-risque ou effet rémunération, les deux tiers des actifs des portefeuilles des CGP français sont en tout cas gérés de manière active.

Une collecte favorable aux ETF

La dynamique des souscriptions tourne en tout cas largement à l’avantage de la gestion passive. Au 31/03/2016, les encours gérés par les 6 240 ETF à travers le monde étaient de 3 007 milliards de dollars. D’après le Boston Consulting Group, les actifs gérés activement représentaient 45 % des encours en 2013 et devraient diminuer à 40 % d’ici 2017. La gestion indicielle pèse environ 15 % de l’ensemble des fonds actions gérés dans le monde, dont 22 % aux États-Unis et environ 12 % en Europe. Son potentiel de développement est donc encore très important.

L’essor de la gestion passive a été favorisé par plusieurs facteurs, à savoir les frais très bas, la facilité d’utilisation et la fin des rétrocessions que touchaient les conseillers financiers de la part des fonds actifs. L’accumulation d’études académiques démontrant la surperformance en moyenne des ETF par rapport à la gestion active, a aussi beaucoup renforcé le report vers la gestion indicielle. Après les investisseurs institutionnels, les particuliers ont donc pris conscience de cette réalité et plébiscitent toujours plus ce type de gestion.

La gestion passive a pu en outre compter sur un ambassadeur inattendu, en la personne de Warren Buffett. Celui qui est considéré comme le meilleur investisseur de tous les temps, a demandé à sa famille d’investir sa fortune sur des ETF à son décès, en avançant qu’il est très compliqué de battre les marchés financiers américains. Pour illustrer son propos, la troisième fortune mondiale a d’ailleurs fait un pari avec la société de gestion Protégé Partners. Avec ce pari, que la presse a baptisé « the million dollar bet » puisque le perdant devra reverser à une association caritative 1 million de dollars, l’oracle d’Omaha cherche à démontrer « que le placement le plus simple du monde », en l’occurrence un ETF Vanguard S&P 500, performe mieux qu’une sélection des meilleurs gérants au monde sur une durée de 10 ans. Au 31 décembre 2015, soit à la fin de la 8ème année du pari, l’ETF affichait un gain de 65,67 % contre 21,87 %, pour le fonds de fonds géré activement. L’écart actuel est tel qu’il sera très compliqué à rattraper reconnaissent les experts, ainsi que Ted Seides qui est à l’origine du pari chez Protégé Partners.

 

La France séduite

L’intérêt pour les ETF croit également dans l’Hexagone. Selon la Banque de France, les ETF actions concentrent 16,3 % de l’ensemble des encours des fonds actions en France, ce qui représente 47 milliards d’euros logés dans des ETF à fin août pour un total de 289 milliards d’euros gérés dans des OPC actions. Alors que la part de marché des ETF fluctuait autour de 12 % depuis 2010, le véritable décollage a eu lieu vers la fin de l’année 2013. En trois ans, le taux de pénétration des ETF a progressé de plus de 4 points, soit une hausse de 1,4 point par an en moyenne.

Cet engouement est à mettre en parallèle avec les résultats de l’étude Spiva menée par S&P Dow Jones Indices, qui souligne que près de 86 % des fonds d’actions françaises gérés activement font moins bien que leur indice de référence sur 10 ans. Au-delà, les fonds en actions américaines vendus en Europe sousperforment à 99 % à leur indice sur 10 ans. Les fonds sur les actions internationales et émergentes libellés en euros semblent aussi apporter peu de valeur face à la gestion passive puisqu’ils sont respectivement plus de 98 % et près de 97 % à échouer dans leur mission de battre l’indice.

De plus, quelle que soit la catégorie de fonds, la sous-performance des fonds a tendance à s’accroître avec le temps. Pour les actions françaises, elle est de 56 % environ sur une période d’un an mais grimpe à 69 % sur trois ans, puis à 80 % et 86 % sur cinq et dix ans. S&P observe en outre que la sous-performance des fonds actions françaises sur un an a augmenté puisque, en 2015, 44,7 % des fonds n’avaient pas battu leur indice.

 

Les frais pointés du doigt

L’une des raisons de la sous-performance de la gestion active tient aux frais de gestion facturés aux clients. Ils culminent à près de 1 % par an, voir dans certains cas 2 %, pour la gestion active contre 0,10 % pour la gestion passive. Le succès des ETF s’explique en outre par le fait qu’ils permettent de diversifier facilement son portefeuille et à un prix transparent en raison de leur cotation en Bourse. Leur facilité d’accès est un autre atout évident. Ils se traitent comme une simple action.

Les investisseurs sont par ailleurs méfiants par rapport à l’appellation gestion active. Mais certains fonds dits « actifs » n’ont d’actifs que les frais. Une étude de MornigStar a estimé qu’en France parmi les fonds dits « actifs », 19 % se contentaient en réalité de reproduire très largement leur indice de référence !